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veines sillonnent ses extrémités. Ses épaules sont plutôt rondes que plates. Son cou
n'est pas trop long et son abdomen pas trop proéminent. Ses mains sont larges et
ses doigts pas trop longs. Ses pieds sont plutôt gros que longs, ses cuisses fermes
et arrondies. Il a une poitrine grande et bombée, une voix forte ; il peut facilement
retenir son haleine pendant un temps prolongé. Il a de l'harmonie dans toutes ses
parties, ses sens sont bons sans être trop délicats ; son pouls est lent et régulier.
Son estomac est excellent, son appétit bon et ses digestions faciles.
"Les plaisirs de la table sont pour lui de nulle importance ; il ne mange pas sim-
plement pour manger, mais chaque repas est pour lui tous les jours une heure de
douce gaieté ; il mange lentement, sans être trop altéré, ce qui est toujours un indice
de rapide consommation. Il est loquace, actif, capable de joie, d'amour et
d'espérance ; mais insensible aux sentiments de haine, de colère et d'avarice. Ses
passions ne sont jamais violentes et dangereuses ; si jamais il s'adonne à la colère,
il en éprouve plutôt une chaleur douce et bienfaisante, une fièvre artificielle et mo-
dérée qu'un débordement désordonné de la bile. Il a une grande tendance aux
calmes méditations et aux agréables spéculations.
"C'est un optimiste, un ami des joies naturelles et du bonheur domestique ; il n'a
pas soif des honneurs et des richesses et bannit tout souci du lendemain"
33.

Modeste jusque dans sa réserve lipidique, l'aspirant centenaire traversera ce
siècle phtisique avec des bronches qu'il maîtrise comme son appétit et ses passions.
Dompteur de sa vie, il la rend forcément artificielle, mais elle dure et magnifie les
vertus de la famille, où l'alimentation va trouver une sorte de conservatoire du rai-
sonnable.

Cet absolu bourgeois servira difficilement d'étalon comportemental à une popu-
lation récemment jetée dans la ville et fragilisée par sa nouvelle condition. C'est
que, bien avant la préoccupation qualitative, s'impose lourdement l'obligation de
maintenir tout simplement les hommes en vie. Pour cela, il faut d'abord que
l'hygiène, en mesurant les quantités nécessaires, conseille utilement
l'administration dans sa prospective et, devant les catastrophiques dégâts biolo-
giques de l'industrialisation, indique les remèdes.


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33New York medical journal, mai 1870, reproduit in HPML, XXXVI, (1871), p. 459.

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