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Ces cas d'anthropophagies - quelle que soit leur amplitude réelle - ne sont cependant jamais considérés comme en marge de l'ordre légal, ni même excusés au titre de la force majeure. Car l'interdit est toujours absolu lorsque les faits relèvent exclusivement de la famine.

Il n'est jamais tolérable que l'homme s'aliène ainsi aux appétits urgents de son ventre: ni au siège de Sancerre en 1573104où l'hypothèse de la nécessité fut écartée a priori pour ne retenir que l'influence satanique, ni durant les bombardement de Beyrouth de 1983 où une fatwacondamna les habitants à mourir de faim plutôt que de cuisiner leurs morts105.

Et lorsque les "coupables" sont affranchis, comme pour les cas du radeau de la Méduse ou des survivants de la catastrophe aérienne des Andes, ce n'est pas en vertu des circonstances exceptionnelles mais parce qu'aucune action n'a été déclenchée à leur encontre.106.

Cependant le phénomène anthropophage n'est pas réprouvé avec une même rigueur selon que celui-ci peut ou non s'inscrire dans une symbolique. Dans un ordre de valeurs et de symboles qui relèvent de l'économie de la vengeance passionnelle ou d'une rémanence féodale de l'aristocratique code de la vindicte. Cette dichotomie connut une importante réactualisation avec le choc des civilisations des Grandes Découvertes107.

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104G. NAKAMAu lendemain de la Saint-Barthélémy. Guerre civile et famine. Histoire mémorable du siège de Sancerre (1573) de Jean de LeryParisAnthropos1975pp. 103-104 et 291-295 105Tandis que, lorsque trois ans plus tard un Ullemah voulut permettre à des réfugiés palestiniens d'avoir recours à cet extrême, il provoqua des réaction outragées et édifiantes:
"C'' ETAIT autrefois une image, et voilà aujourd'hui qu'ils se mangent entre eux. Un dignitaire religieux, disciple de l'Iran barbare, autorise l'anthropophagie au nom de Dieu. Est-ce l'ultime châtiment d'un peuple martyrisé dont les dirigeants ont toujours exclu toute logique de paix ?
Que les Palestiniens meurent, on en avait pris l'habitude. Qu'ils perdent les batailles en feignant de les gagner ne surprenait pas. Qu'ils succombent sous les bombes israèliennes ou sous les obus de leurs fréres arabes, cela ne choquait plus.
Mais qu'ils se mettentà manger des cadavres, aprés en avoir déféré aux puissances religieuses, et voilà que l'on tressaille. Réveil des consciences ou vérification de l'immonde loi du tapage ?
Que faire pour les Palestiniens du camp ravagé de Bourj-el-Barajneh ? On peut hurler notre indignation, dire notre dégoût et tenter de les secourir.
Hurler d'indignation."B. KOUCHNERRequiem pour un anthropophageinLe Monde 14.2.1987, page 3.
106Que ce soit en vertu de l'absence d'une disposition pénale spécifique ou en raison d'une volonté expresse des autorités pénales. Ce qui revient au même, c'est à dire à nier le fait et le malaise qu'il engendre.
107Cette partie doit énormément à l'oeuvre de F. LESTRINGANT dont les idées seront reprises tout au long.du chapitre.

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