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corriger le tir en recommandant de ne pas accorder trop d'importance à la nourriture et
aux pratiques alimentaires71
La liturgie chrétienne insiste donc logiquement sur cet aspect érémitique mais en
ne gardant que le seul aspect alimentaire. Il est vrai qu'en matière de continence
sexuelle la doctrine du mariage y pourvoit déjà et que l'idéal de pauvreté est très mal
perçu par les autorités du clergé qui préfère avoir recours au double langage: laisser
faire tant que son propre train de vie n'est pas mis en cause.
De plus, en des temps où il ne faut pas oublier que la question de la subsistance
alimentaire peut être angoissante: demander à l'immense majorité des fidèles de
restreindre le peu disponible représente un sacrifice autrement plus important qu'un
voeu de pauvreté assumé de facto ou de renoncer à une débauche de toute manière
impossible dans l'austérité des campagnes. Le comble de la concupiscence étant la
gourmandise72et le plus pénible des renoncements, le jeûne.
Pour les chrétiens du Moyen Age, la nourriture a de multiples significations
symboliques, mais les pratiques religieuses majeures liées à la nourriture sont le jeûne
et l'eucharistie. Chrétiens et chrétiennes, en effet, jeûnent pour rendre hommage à la
puissance divine et reconnaître leur condition de pécheurs.
Jeûnes et festins de sortie de jeûne sont restés pour les chrétiens pendant des
siècles des rites et des symboles complexes. Pourtant la signification du jeûne et de la
nourriture a beaucoup évolué entre l'Eglise primitive et la fin du Moyen Age.
A partir du XIVe siècle, on écourta les longues périodes de jeûne qui avaient
contribué à faire de l'Eglise primitive une communauté et l'on accorda des dispenses.
Ainsi se délita une pratique de la liturgie chrétienne qui avait imposé plusieurs jours de
jeûne dans la semaine: le jeûne du mercredi, celui du vendredi, qui fut ensuite accentué
par la superpositiodu samedi. Auxquels s'ajoutent le jeûne eucharistique destiné à
éviter que les oblations sacrées ne se mêlent à des nourritures profanes dans l'estomac,
le jeûne pré-pascal et le Carême, les jeûnes de l'Avent. Enfin, les jeûnes pénitentiaires
auxquels s'ajoutent tous ceux qui sont laissés à la discrétion du fidèle.
La communion également changea: d'abord repas communautaire placé au
coeur de la messe, elle fut dissociée de la consécration du pain et du vin: la dévotion
71Epître aux romains14, 17
72voir M. BAKHTINEL'oeuvre de François Rabelais et la culture populaire au Moyen-Age et sous la
RenaissanceGallimardParis1970
60
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