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Ce regard neuf du chrétien sur sa Pâque et sur les juifs entraîna rapidement les premières accusations contre les juifs. Les rumeurs qui éclatent, d'abord à Norwich en 1144 puis se répandent en Allemagne, France, Italie, Espagne où le cycle se clôt à la Guardia en 1490, dessinent un mouvement d'accusation de meurtres rituels que recoupe un deuxième ensemble d'imputation de profanation d'hostie du XIIIe au XVIe Siècle.

Le paradigme est le suivant: à Pâques, un vendredi saint de préférence, un jeune chrétien est enlevé par de juifs qui, en parodie de la Passion, le vident de son sang pour en faire leur azyme de Pâque. L'histoire est ainsi censée illustrer l'impérieuse nécessité pour les juifs de s'emparer de sang chrétien, évidemment pour perpétrer leurs maléfices62, mais aussi par un effort désespéré de corriger leur nature.

Les procès de l'Inquisition sont remplis d'aveux sur le fait que les juifs souffriraient d'infirmités graves, consécutives à leur hostilité envers le Christ, surtout de terribles saignements qui redoubleraient le Vendredi Saint et que seuls des bains de sang baptisé soulageraient. Le sang du Christ crucifié ayant tracé une ligne de partage entre chrétiens propriétaires de ce sang et juifs qui désirent se l'approprier par des sacrifices humains.63Privés de la purification du baptême, ils essayent de se laver du péché originel en s'immergeant dans le sang, c'est-à-dire l'âme, baptisé.

L'autre objet de convoitise allégué est évidemment l'hostie. Le récit des profanations d'hostie émerge largement des récits d'autres profanations. On y voit des naïfs (surtout des paysans et des femmes) tenter de s'approprier la puissance de l'hostie, qui en la plaçant dans une ruche pour accroître la production de miel, qui en la cuisinant à un amant pour regagner sa ferveur.

A chaque fois l'hostie, par un miracle, impose au délinquant l'image de sa toute- puissance: l'apiculteur découvre une chapelle de cire dans sa ruche, la cuisinière voit s'écouler du sang de l'hostie, entend une voix d'enfant. Mais au tournant du XIVe Siècle, le ton change, seuls des juifs sont représentés et leurs mobiles ne sont plus simplement intéressés mais sadiques.

La paradigme, cette fois, peut se ramener à celui de l'affaire des Billettes: à Pâque toujours, un usurier propose à une chrétienne de la secourir en échange de l'hostie consacrée. Une fois en sa possession, il s'enferme pour se livrer à toutes sortes de violences, la faisant saigner, l'ébouillantant, pour éprouver la présence réelle du

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62Surtout les accusations classiques d'empoisonnement de puits.
63C.FABRE-VASSAS,L'azyme des juifs et l'hostie des chrétiens in D. FOURNIER, S. D'ONOFRIO:
Le ferment divin, Paris 1991

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