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Cependant, il existe une autre problématique qui résulte d'une question
d'apparence plus anodine: celle de la nature originelle du fruit consommé. Elle a donné
lieu à de nombreuses spéculations, qui fournissent de précieux renseignements sur la
position de la société hébraïque quant aux système alimentaire durégime
méditerranéen.
La première hypothèse des rabbins est celle de la vigne55:: la tentation, c'est le
délire de la toute-puissance, une fureur, une forme particulièrement dangereuse
d'ivresse. Et l'ivresse c'est le vin. On retrouve donc la méfiance traditionnelle envers le
vin, mais sans cet élément de fascination qui caractérise la position des Grecs et
Romains et qui fait toute l'ambiguïté et fonde le culte du vin.
Au contraire, la religion juive s'oppose explicitement au culte dionysiaque car il
repose sur l'extase de la dépersonnalisation. La faute consiste alors à remplacer la Loi
par l'instinct. Le culte dionysiaque n'est pas rejeté parce qu'il est licencieux, mais parce
qu'il exalte des forces instinctuelles considérées comme sacrées56. Ainsi, si les
stupéfiants sont admis comme mode de connaissance, il ne s'agit pas d'un mode qui
sublime l'individu mais qui exige la démission d'une partie de la personnalité.
Pourtant, un épisode plus loin, la Bibleraconte l'histoire de l'invention du vin
par Noé (ex abrupto, comme dans les mythologies grecs ). L'histoire est intéressante en
ce que la première chose que fit Noé immédiatement après l'invention fut s'enivrer et la
deuxième fut de se dévêtir, ce qui l'exposa nu aux yeux de son fils Cham et le fit le
maudire après que ses autres fils soient venu le couvrir d'un manteau en marchant à
reculons afin de ne pas le voir.
Ce long enchaînement de causalités se comprend donc comme suit: le vin
enivre; l'ivresse pousse à un érotisme déréglé; le fils qui y assiste remonte ainsi le cour
de sa propre généalogie; les autres fils essayent d'y remédier à reculons afin de rester
dans le sens de la généalogie; la descendance de l'imprudent est maudite.
La vie, la sexualité et le vin se trouve ainsi mêlé au sein d'un système qui paraît
reposer sur une dynamique des fluides vitaux, qui comprend également le sang, et qui
détermine un rapport au sacré articulé autour d'un questionnement sur la vie et la
généalogie.
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