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charge de magistrats... aucune activité exécutive ou législative qui ne commence par un
sacrifice suivi d'un repas. La solidarité entre le politique et le sacrificiel constitue donc
un élémentessentiel de la civilité grecque. Mais, si Prométhée dut payer sa duperie, les
Grecs durent également se confronter au prix d'une telle interdépendance.
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sacrificateur, c'est que la cuisine ne se confond absolument jamais avec la chasse: il
n'est jamais question d'offrir des animaux sauvages aux dieux. Aux animaux sauvages,
la cité fait la guerre. Le monde animal se partage alors en deux entre les animaux
chassés par crainte des dommages qu'ils pourraient causer et les bêtes protégées pour
les services qui en sont attendus.
Ce partage fonde aussi celui entre non-sacrifiable et sacrifiable et partant entre
non-consommable et consommable. Distinction fondamentale qui permet de trouver
cette paradoxale dialectique que l'acte de manger est injuste puisque c'est un proche, un
utile et un innocent qui est tué. De là à découvrir dans l'alimentation une des premières
manifestation du sentiment d'injustice, on peut estimer qu'il y a matière à provocation.
Pourtant, le rituel dusacrifice sanglant est empreint d'une volonté de masquer
la violence de l'abattage, comme s'il s'agissait d'avance de se disculper d'une
accusation de meurtre. Ainsi la victime est-elle menée en procession jusqu'à l'autel
sans contrainte apparente, au même pas (et presque au même titre ) que les convives et
en prenant grand soin d'obtenir son assentiment par un signe de tête.
Le procédé, extrêmement réglé, vise à mettre l'animal en contact, par surprise,
avec de l'eau pure et des fruits de la terre. Passons les implications symboliques de ces
éléments pour ne traiter que les effets recherchés: l'eau froide fait frissonner la bête
tandis que la douche de grains sur sa tête lui fait branler le chefde gauche à droite.
Ce geste qui entre hommes grecs marque l'accord est donc non seulement
nécessaire pour déculpabiliser les commensaux, mais de plus il est étendu pour
l'occasion au règne animal, faisant encore ressortir davantage l'ambiguïté du statut de
la victime.
Il semblerait que la question alimentaire se soit transmué en véritable
traumatisme alimentaire avec la révolution néolithique. Le système du totémisme et des
contre-prestations permettait d'identifier artificiellement un groupe à une nourriture, à
charge pour celui-ci de la "libérer" pour les autres membres de la société. Cette
identification gratuite d'un clan impliquait automatiquement la non-identification du
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