sur leur tête toute la sacralité du totem, qui par là devient une chose profane pour les membres du clan opposé.

Cette fonction de neutralisation permet de désacraliser la moitié de l'univers tandis que l'autre moitié est domestiqué par le biais d'un totem bienveillant. Cette étape marque une transformation des principales caractéristiques du sacré, qui perd de son caractère ambiguë et dangereux pour devenir manichéen et comminatoire.

D'autre part, le système totémique organise les figures du sacré en arbre hiérarchique autour du totem: relèvent ainsi du totem, des animaux, principes ou végétaux, voire de simples parties de leur anatomie, qui sont considérés comme partageant une qualité commune avec le totem.

Le passage par l'institution du totem permet de masquer la crudité de l'interdit anthropophage derrière la fiction de l'ancêtre animal: la prohibition ne s'énonce pas comme l'interdit pour un homme de manger un autre homme, mais comme l'interdit pour le descendant d'un animal de manger ce même animal ainsi que d'autres descendants ou assimilés.

Non seulement, la signification anthropophage se trouve noyée dans l'énoncé, mais en plus elle y fonde déjà une organisation de la société grâce à la possibilité de procéder à des assimilations: l'assimilation d'un groupe humain à un animal est une première opération qui, si elle est acceptée, permet des extensions en cascade.

21