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A moins que - le dégoûtant pouvant être considéré comme étant la caractéristique de ce qui n'est pas à sa place3- le sentiment de dégoût ne procède du choix plutôt que le choix du dégoût.

Enfin, puisque l'aliment a vocation à receler une charge sacrale, il faut encore isoler parmi ceux qui ont été choisis comme aliments ceux qui, paradoxalement, sont interdits de consommation ( comment pourrait-il être possible de les interdire à la consommation s'ils n'étaient au préalable choisis comme aliments ?) et exercer ainsi un troisième niveau de choix qui élève la renonciation alimentaire au cube.

D'après Cicéron, Grecs et Romains avaient une conception différente du droit, car ce que les uns appelaient nomosdésignait ce qui revient à chacun, alors que ce que

les second appelaient jus

désignait le choix. Cette référence commune au choix,

complète une approche des relations entre droit et question alimentaire qui se réduirait trop facilement à celui des rapports entre droit pénal et système des interdits alimentaires. Car l'appréhension culturelle des aliments, qui dérive du régime des aliments sacrés, se construit suivant une logique toute juridique.

Cependant, postuler une parenté entre la pensée sauvage qui gère la sacralité des aliments et la pensée juridique, doublement "civilisée"4, fait basculer l'approche philosophique du droit dans sa version landru : à s'interroger sur l'archétype de l'interdit alimentaire sacré, sa nature n'apparaît-elle pas à l'esprit ? Toute la question de l'aliment sacré est irriguée par une signification anthropophage qui constitue le paradigme de l'aliment sacré: d'un interdit alimentaire qui remonte à une constitution cannibale5de l'humanité et dont la gestion de la sacralité finit par embarrasser un ordre politique qui préférerait masquer ces significations sauvages.

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3M. DOUGLASDe la souillure: essai sur les notions de pollution et de tabouLa découverteParis 1992.
4Le terme "civiliser" signifiant originairement le passage d'une compétence du droit pénal à celle du droit civil.
5Le cannibalisme s'entendant ici de l'anthropophagie en tant qu'institution.

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