Université Paris X - NANTERRE

1ère année de DEUG - UP 2 : Histoire du droit

(2e semestre de l'Année 2000-2001) - Ière partie, titre II, chapitre 3


Chapitre 3

Les crises sociales et politiques

 

 

¶ I - La crise sociale

 

  • Dans le dernier tiers du IIe siècle av. J.-C., moment où débute la crise de la République, Rome gère sa domination militaire, la prospérité qui l'accompagne et se heurte aux effets pervers de celle-ci.
  • Venant des pays conquis, l'or, les esclaves, le blé et les produits agricoles de subsistance affluent, c'est-à-dire que les prix augmentent, sauf ceux des produits agricoles appartenant à l'agriculture traditionnelle des Romains et des Italiens. Ainsi les paysans du Latium et du reste de l'Italie ne parviennent, ni à vendre leurs produits au prix qui les ferait vivre, ni à acheter de quoi s'équiper ou plus simplement entretenir leurs exploitations. Ils s'endettent auprès des plus riches et, du fait de la mécanique implacable de l'usure antique, se trouvent rapidement dépossédés de leurs biens au bénéfice des propriétaires les plus riches, lesquels constituent de grandes exploitations consacrées à des produits de grand rapport (par ex. vin ou huile d'olive). Les paysans ruinés en sont réduits, soit à devenir des ouvriers agricoles au service des grands propriétaires (situation où il leur sera difficile de se distinguer des troupes d'esclaves venus des pays conquis), soit à tenter fortune en ville où, dit-on, l'argent coule à flots.
  • En ville, l'afflux d'esclaves met en péril la classe moyenne des petits artisans, de plus en plus en situation d'infériorité face à la production de type industriel que l'abondance de la main d'oeuvre servile autorise désormais. Quant à l'argent, il se trouve principalement entre les mains de ceux qui constituent les sociétés de publicains (groupes financiers comparables aux grandes Fermes de l'Ancien Régime français), lesquelles prennent à ferme les revenus de l'Etat (perception des revenus contre le payement de sommes forfaitaires). Ces entreprises financières disposent ainsi de sommes énormes leur permettant de pratiquer la corruption sur une grande échelle et à tous les niveaux de la société. Paysans et artisans ruinés n'ont guère d'autre solution que de devenir les clients des plus riches, monde au sein duquel se retrouvent aussi bien les révolutionnaires généreux que les aventuriers prêts à tout.

¶ II - Idéologies en présence


La noblesse se disloque, laissant apparaître deux groupes, également composés de citoyens riches, et que seule l'idéologie distingue.

§ 1 - Les "populaires" (populares )

 

  • Ceux-ci affichent des opinions favorables aux couches les plus défavorisées de la plèbe. On rencontre parmi eux des révolutionnaires sincères, mais aussi toutes les variétés de provocateurs, d'opportunistes et d'ambitieux.
  • L'outil institutionnel des populares est la magistrature du tribunat et les assemblées de la plèbe votant ces plébiscites qui forment l'essentiel de la production législative de l'époque.

§ 2 - Les "meilleurs" (optimates )

 

  • Cette seconde catégorie est composée d'hommes persuadés que la société est nécessairement hiérarchisée du fait de la fortune et du talent.
  • Leur outil institutionnel est le Sénat.

¶ III - Les principaux acteurs de la révolution

 

§ 1 - Les Gracques (133-121)

 

  • Le début de la révolution républicaine a été marqué par la courte et tragique carrière politique des frères Gracques (Tiberius et Caius Gracchus). Le prestige de leur nom explique que le révolutionnaire social de la révolution bourgeoise de 1789 se soit fait appeler Gracchus Babeuf.
  • Lorsque Tiberius Gracchus devient tribun en 133, le problème politique majeur est , à Rome, celui de la répartition de l'ager publicus (les domaines conquis par Rome). L'entreprise généreuse des Gracques était vouée à l'échec, tout simplement parce que la plèbe urbaine n'était pas disposée à quitter la ville pour une conversion agricole.
  • Tiberius Gracchus, élu tribun en 133, veut simplement reconstituer la classe moyenne. Pour cela, il désire imposer que l'attribution de l'ager publicus soit limitée à une surface humaine (à peu près, dans nos mesures actuelles, 25 hectares, avec un maximum de 50 hectares en tenant compte des enfants.
  • Une grande partie de la noblesse étant farouchement hostile à sa politique, l'autre tribun fait opposition à son plan de réforme. Une violente crise politique s'ensuit, avec même des combats de rue (Tiberius est tué dans ces circonstances).
  • Caius Gracchus, obtint de l'assemblée de la plèbe ce qui fut à l'origine de la chute de son frère : la possibilité de réitérer son mandat au tribunat. Sa politique sociale le conduit à, proposer une distribution de blé aux plus démunis, à des tarifs réduits. Son idée sera ensuite institutionnalisée, jusqu'à la fin de l'Empire d'Occident, par un système de distribution gratuite de blé à la plèbe. Il sera lui-même tué à l'occasion des troubles politiques causés par sa politique.

§ 2 - Sylla, César, Auguste

 

  • La constitution républicaine, déjà mise à mal par l'épisode des Gracques (non réitération du mandat et inviolabilité du tribun), va voir, du fait de Sylla, tomber un autre tabou : l'impossibilité d'accéder en arme dans l'enceinte sacrée de la ville (pomerium ).
  • Notons surtout une importante conséquence des crises politiques du dernier siècle av. J.-C. : l'acquisition par tous les habitants de l'Italie de la citoyenneté romaine (mesure annonçant l'édit de Caracalla qui, en 212, donna cette citoyenneté à tous les habitants de l'Empire).
  • Le dernier siècle de la République verra souvent les hommes providentiels (ou pseudo-providentiels) venir en armes à Rome pour exprimer leur prétention au pouvoir. Tel sera Sylla, dans sa tentative de restauration aristocratique, César franchissant le Rubicon, accédant à la dictature et tombant lui-même sous les coups d'une conjuration armée et enfin Octave dont on sait qu'il devint empereur sous le nom d'Auguste en 27 av. J.-C., après que le Sénat lui ait demandé de reprendre les pouvoirs qu'il avait prétendu abandonner.
  • L'histoire de la République romaine se terminait.


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