Université
Paris X - NANTERRE
Maîtrise
: Histoire de l'administration
publique
(1er semestre de
l'année 2000-2001) - 3e partie, titre III, chapitre
4
Chapitre 4
La poursuite des crimes et
délits
Bien que la
police judiciaire (la police mise au service de la justice
pénale) soit une tâche traditionnelle de la police
(historiquement issue de la justice), il s'est
révélé nécessaire de créer des
services spécialisés dans l'identification et
l'arrestation
des délinquants.
¶ I - L'identification
- En général, la question de
l'identification des administrés, qu'ils soient ou non
délinquants, est à l'ordre du jour dans les derniers
siècles de l'ancien régime.
- Bien que l'usage soit établi depuis
le Moyen Age (peut-être en relation avec les vengeances
privées), de porter un nom de famille, cet usage n'est
devenu une obligation légale qu'à la suite du
décret du 20 sept 1790 sur l'Etat civil
(complété par deux décrets de 1793 et
1794, sur les changements de nom).
- C'est aussi au XVIIIe siècle que
l'administration, malgré l'opposition de l'aristocratie
vexée par cette uniformisation des adresses, a
imposé l'obligation de numéroter les
maisons.
- L'identification des individus dangereux
correspond au désir de prévenir et de sanctionner la
récidive (peines plus graves en cas de récidive et,
à partir de 1885, relégation).
- La fiche et le fichier ont remplacé
les registres prévus initialement (entre autres chez les
Caméralistes allemands) et qui se
révélaient d'usage fort incommode
(rectifications, ratures, rayage, ajouts), lorsqu'un
administrateur des galères nommé Arnoul eut
l'idée, en 1671, de remplacer le registre de chaque
galère par une boîte et chaque galérien par
une fiche. L'invention eut aussitôt un grand
succès. Au XVIIIe siècle, des inventeurs
présentèrent des machines capables de manipuler
des milliers de fiches. A Paris, le préfet de police
Berryer institua le service de fichage des prostituées (
un chiffre énorme :20 à 30 000 personnes à
Paris pour une population de 600 000 habitants), fichage
utilisé le siècle suivant dans une optique
hygiéniste, mais d'abord institué dans une
perspective de basse police : identification des clients et,
éventuellement, révélation de leurs
confidences. A noter que les fiches perforées furent
à l'origine des fichiers informatiques (recensement par
ce moyen, à la fin du XIXe siècle, de la
population des U.S.A., à l'origine de la
société I.B.M.).
- Dans la deuxième moitié du
XIXe siècle, la photographie fut systématiquement
utilisée par les services de police, mais les
transformations physiques, volontaires ou involontaires, sans
parler de la mauvaise volonté des prisonniers devant le
photographe, ont fait rechercher une technique
complémentaire.
- En 1888, Bertillon, d'une famille de
naturalistes et de statisticiens, entre en 1879 comme
auxiliaire à la Préfecture de Police de Paris. Il
y crée en 1893 le Service de l'identité
judiciaire où il fait pratiquer l'anthropométrie,
technique de son invention, consistant à mesurer les
membres des condamnés de plus de 20 ans (arrêt de
la croissance). La
dérive du système fut
de glisser de la prévention et de la répression
de la récidive à la recherche des types de
criminels, dans le prolongement de la physiognomie (le
caractère d'après le visage), de la
phrénologie (caractère d'après la forme du
crâne) et des théories pénales de Lombroso.
L'affaire Dreyfus lui ôta tout crédit scientifique
: se prétendant graphologue, il déduisit la
culpabilité de Dreyfus du fait qu'on ne reconnaissait
pas son écriture sur le bordereau et qu'il l'avait donc
falsifiée! L'anthropométrie fut abandonnée
au profit de la dactyloscopie (étude des empreintes
digitales), inventée par l'anglais Galton, technique
plus simple, plus efficace, et permettant en outre d'identifier
les coupables.
- De nos jours les empreintes
génétiques font leur
entrée dans le domaine de l'identité judiciaire
et de la procédure pénale ; après une
période de grand enthousiasme, elles sont maintenant
utilisées avec prudence. A noter qu'elles
présentent le grand avantage, démontré par
des affaires récentes, de pouvoir, plus facilement que
les autres méthodes, disculper des innocents.
¶ II - L'arrestation
Nous reviendrons dans le chapitre suivant sur la
rivalité opposant la Sûreté (ministère de
l'Intérieur) à la Préfecture de police de
Paris.
- En ce qui concerne la Préfecture de
Police de Paris, elle confirme son historique
supériorité technique en créant, dès
1830, un service spécialisé dans la recherche et
l'arrestation des malfaiteurs. Ce service sera officiellement
appelé "police judiciaire" par un décret du 1er
août 1913).
- En ce qui concerne le reste du territoire
(autre que le département de la Seine et dépendant
donc de la Sûreté), seules la gendarmerie et les
polices municipales (sans compter les gardes-champêtres)
étaient utilisables pour la poursuite des malfaiteurs. La
situation va devenir critique lorsque, du fait du
développement des chemins de fer et surtout de
l'automobile, s'opposeront des policiers étroitement
confinés dans leurs juridictions et des bandits se
déplaçant rapidement sur tout le territoire. Entre
1896 et 1907, des bandits en automobile défrayèrent
la chronique ("chauffeurs de la Drôme", "bandits
d'Abbeville", "bandits d'Hazebrouck", sans oublier la Bande
à Pépère dans les Charentes!). L'affaire
devint une affaire politique en 1907 lorsque Clémenceau,
ministre de l'intérieur, fut interpellé à la
Chambre des députés sur l'insécurité.
En réponse, il mit pour la première fois un grand
policier à la tête de la Sûreté
(Célestin Hennion) et créa, par un décret du
30 décembre 1907, 12 brigades de police mobile se
partageant l'ensemble du territoire (chacune étant donc
compétente sur plusieurs départements). En 1912, les
nouvelles Brigades de la Sûreté furent
réellement rendues mobiles par l'attribution d'une
automobile pour chacune d'entre elles (donc 12 pour tout le
territoire). A la suite de deux décrets de 1941, les
Brigades de Police mobile sont devenues nos actuels Services
régionaux de Police judiciaire. (Pour la petite histoire :
les Brigades de police mobile eurent leur heure de gloire dans les
années 1970, grâce à la série
télévisée Les
Brigades du Tigre .)
Plan du
cours