Université
Paris X - NANTERRE
Maîtrise
: Histoire de l'administration
publique
(1er semestre de
l'année 2000-2001) - 3e partie, titre III, chapitre
2
Chapitre 2
L'espionnage
extérieur et intérieur
¶ I - L'espionnage
extérieur
C'est le domaine où l'administration a le
plus tendance à prendre les administrés pour des
débiles mentaux. Officiellement l'espionnage n'existe pas et,
entre le diplomate (espion officiel) et le policier défenseur
du citoyen de base il n'est d'autre zone intermédiaire que le
contre-espionnage. Il est donc affirmé sans rire que seul
existe le contre-espionnage mené
à l'étranger
(détruire à la source l'espionnage intérieur en
allant espionner à l'extérieur!!!). Dans ce monde
où l'on prend le droit comme une rigolade, nous ne nous
abaisserons pas à faire une tentative d'analyse juridique.
L'institution s'appelle aujourd'hui la D.G.S.E. (Direction
générale de la sécurité
extérieure).
¶ II - L'espionnage
intérieur
Il est, lui aussi, inavoué, mais nous avons
à son sujet nettement plus d'expérience. les deux
sujets majeurs sont les renseignements généraux, la DST
et les écoutes téléphoniques.
§ 1 - Les Renseignements
généraux
- L'origine des renseignements
généraux est, très certainement la plus
originale parmi les historiques des diverses polices. En effet,
les renseignements généraux sont nés d'une
mutation de la Police des chemins de fer.
- Lorsque se développèrent, sous
la Monarchie de Juillet, les transports ferroviaires, une police
spéciale fut créé pour contrôler
l'application des règlements de sécurité et
pour faire les premiers constats en cas d'accident.
- Au début du Second Empire, ce service
fit l'objet d'une réforme qui devait l'orienter
définitivement vers le renseignement. Alors que, dans sa
première organisation, la Police des chemins de fer
étaient à l'instar de toutes les autres polices,
confinée étroitement dans un territoire de
juridiction (situation s'expliquant par l'origine judiciaire de la
police), ce nouveau service eut désormais pour mission
d'intervenir :
- - pour des crimes et délits de toute
espèce
- - et sur tout le réseau
ferroviaire
Le Second empire, non démenti par les régimes
subséquents, vit immédiatement tout le parti
politique qu'il pouvait retirer de l'existence d'un service de
police qui, seul, pouvait se déplacer sur tout le
territoire et qui était toujours en des lieux (wagons et
salles d'attente) où les gens bavardaient et
échangeaient des confidences. En un temps où les
sondages d'opinion n'existaient pas, mais où le suffrage
universel masculin venait d'être instauré, la Police
des chemins de fer était perçue comme l'outil
essentiel pour l'information politique du gouvernement.
Très vite, la Police des chemins de fer se cantonna dans
l'espionnage intérieur. A la veille de 1914, sa
dénomination (Service de police administrative) n'avait
déjà plus rien de ferroviaire. En 1941, dans
l'immense mouvement de réforme par lequel Vichy laissa
définitivement sa marque sur la police française,
l'ancienne Police des chemins de fer devint la Direction des
renseignements généraux.
§ 2 - La DST
- La DST est en principe le service
français de contre-espionnage. Nous verrons comment en
fait, elle en est venue à se mêler, toujours
irrégulièrement et souvent exagérément
de politique intérieur.
- En tant que sanction de l'Affaire Dreyfus, le
contre-espionnage avait été retiré aux
militaires (qui ont en fait conservé leur propre service),
le 1er mai 1899, pour être confié au Ministère
de l'Intérieur. Un décret de 1899 créa un "
contrôle général des services de la
Surveillance du Territoire ". Ce service, sans moyens autonomes,
disparut en 1907, pour reparaître au début des
années 30, avec la recrudescence des ingérences
allemandes en France et l'arrivée au pouvoir de Hitler. Les
décrets des 28 avril et 13 juin 1934 firent renaître
le " contrôle général des services de la
surveillance du territoire ". A partir de 1937, la Surveillance du
Territoire (S.T.) se vit dotée de réels moyens.
Malgré la défaite de 1940, la S.T. survécut
en zone libre et poursuivit sa mission de contre-espionnage, en
arrêtant par centaines des agents allemands.
- Après l'invasion de la zone libre en
novembre 1942, la S.T. fut dissoute par les autorités
allemandes. A Londres, le commandant Dewavrin, alias Passy,
créa le Bureau Central de Renseignements et d'Action
(B.C.R.A.) dont la section de contre-espionnage fut confiée
au lieutenant Roger Warin dit Wybot. A la libération,
l'ordonnance du 16 novembre 1944, signée du
Général de Gaulle, donna naissance à la
Direction de la Surveillance du Territoire (D.S.T.). Les policiers
de ce jeune service venaient majoritairement de la S.T. d'avant
guerre, de la Résistance et du B.C.R.A. Son premier
directeur fut Roger Wybot.
- A l'origine de la DST, nous trouvons donc la
personnalité d'un grand flic, Roger Wybot et un modeste
service de contre espionnage à Londres, auprès du
gouvernement de la France libre. A la Libération, le
contre-espionnage français était complètement
désarmé : les Allemands et le gouvernement de
Collaboration n'avaient rien laissé (sauf le réseau
d'écoutes téléphoniques mis en place par la
Gestapo et que le pouvoir politique français s'empressa de
récupérer et de développer). Pour le reste le
contre-espionnage français était d'une faiblesse
telle que la France était considérée par les
espions étrangers comme le moins dangereux des terrains
d'entraînement les futurs espions.
- Mais l'acharnement, l'intelligence et
l'instinct policier de Roger Wybot firent, de la DST un outil
policier qui, dans les années 1950; se révéla
particulièrement efficace. Lorsqu'on lui demandait
où étaient les espions, Wybot répondait
qu'ils devaient être dans des fichiers. Les premières
années de la DST furent donc celles d'un intense travail de
fichage.
- A la fin de la IVe République, une
dérive regrettable - bien qu'aisément explicable -
fit de la DST un outil dont on ne limitait pas l'usage au seul
contre-espionnage et qu'on utilisait très souvent comme une
police politique. Il faut bien voir que, sous la IVe
République, tout conduisait le contre-espionnage à
se mêler de politique interne : recherche des collaborateurs
(et donc surveillance des partis de droite et des
congrégations religieuses), Guerre froide (et donc
surveillance des Communistes) et enfin Guerre d'Algérie
(surveillance du FLN et du MNA algériens, ainsi que de
l'OAS française). La DST, sous l'impulsion directe de Roger
Wybot, participa au complot militaire et policier qui permit au
général De Gaulle de revenir au pouvoir. Mais,
désormais, Roger Wybot était devenu trop puissant et
De Gaulle s'empressa de s'en séparer (1959). Pour autant la
DST ne perdit pas l'habitude de se mêler des affaires de
politique interne.
§ 3 - Les écoutes
téléphoniques
- En ce domaine, la France a soigneusement
récupéré et développé ce qui
avait été mis en place par la Gestapo. Sous la IVe
République, n'importe qui pouvait être
écouté par n'importe quel ministre. Au début
de la Ve République, les écoutes furent mises sous
la responsabilité directe du Premier ministre. Depuis la
présidence de Giscard d'Estaing, on répète,
sans rire, que les écoutes n'existent pas et qu'elles sont
en outre étroitement limitées!!!
- Notons la nouvelle acuité que les
courriers électroniques donnent au problème, tant au
niveau national qu'international.
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cours