Université Paris X -
NANTERRE
Maîtrise : Histoire de l'administration publique
(1er semestre de l'année
2000-2001) - 2e partie, titre II, chapitre 1, section IV
(Rappel : Chapitre 1 : Les professions de
santé)
¶ IV - XXe siècle : pouvoir
médical et catastrophes sanitaires
Au XXe siècle, la médecine doit
être envisagée dans un contexte de mondialisation.
L'apparence est très positive, puisque la santé semble
être prise en considération dans une perspective
planétaire. En fait l'Occident conserve une approche
égoïste de la défense sanitaire.
Pendant très longtemps, les relations internationales ont
été, dans le domaine sanitaire, proches des
comportements de belligérance. Pour les Etats
chrétiens, le mal venait le plus souvent des pays d'Islam ;
d'où une surveillance particulière des bateaux venant
d'Afrique du Nord et du Proche Orient : ils ne pouvaient accoster
qu'à Marseille et à Toulon pour y subir une
quarantaine. Pour ces pays la surveillance était permanente,
alors que, pour les ports recevant les bateaux venant
d'Amérique, celle-ci était exceptionnelle. En outre,
les pays occidentaux ne se sont pas souciés, jusqu'au XXe
siècle, des maladies qu'ils transmettaient aux autres pays.
Les peines étaient de la plus grande
sévérité (canonnades, peine de mort contre les
capitaines) pour faire respecter les règles de quarantaines et
en général tout ce qui concernait le cordon sanitaire.
En 1832, le choléra, une maladie que l'Occident ne connaissait
pas, démontra par ses hécatombes l'inefficacité
d'une telle législation. La France et les autres pays
occidentaux décidèrent alors d'aller surveiller le mal
à sa source, en envoyant des observateurs sanitaires dans les
ambassades, et mettant en en place une concertation quasi permanente
: 11 conventions entre 1851 et 1907, et installant à
Constantinople et à Alexandrie des conseils sanitaires
internationaux (en fait occidentaux) pour surveiller le Bosphore et
le canal de Suez.
Les deux Guerres mondiales ont démontré que la
sécurité du monde était d'abord menacée
par l'Occident. A cela s'ajouta, le désastre
épidémique de la grippe espagnole,
épidémie causée par la guerre et qui tua plus
que celle-ci. C'est pourquoi les institutions de paix se
doublèrent d'organisations sanitaires : le Comité
d'hygiène de la SDN, puis l'OMS en 1948, dont la charte fait
de la santé un droit de l'homme. L'humanité serait-elle
désormais dans la situation idyllique de ne voir plus que dans
l'espace le mal venu d'ailleurs? En 1898, La guerre des mondes de Wells
montrait l'invasion des Martiens arrêtée par ces
derniers défenseurs que sont nos microbes (en 1969 les
conquérants de la lune durent subir une quarantaine).
Malheureusement, l'épidémie de sida montra la
persistance des vieux réflexes : voir chez l'humain qui, pour
diverses raisons, n'est pas comme soi, le propagateur du mal venu
d'ailleurs. Voici, cité par M.D. Grmek (Histoire du sida), la
déclaration d'une ménagère américaine au
début de l'épidémie :
"Cette maladie affecte
des hommes homosexuels, des drogués, des Haïtiens et des
hémophiles : grâce à Dieu elle ne s'est pas
encore propagée parmi les êtres humains."
En fait, le vice majeur du système est la
domination de la santé mondiale par les laboratoires
pharmaceutiques, c'est à dire par les lois du marché,
qui font de la lutte contre le sida et le paludisme des questions non
prioritaires, parce que concernant essentiellement des pays pauvres
ou, en d'autres termes des clients non solvables.
C'est pourquoi, en renvoyant pour le reste
à l'immense littérature sur les triomphes de la
médecine, nous retiendrons surtout les grands drames
sanitaires qui ont marqué ce siècle.
§ 1 - Le B.C.G. et le
procès de Lubeck
- C'est entre 1920 et 1930 que se constitue en
France une structure gouvernementale destinée à la
santé publique. Pour aboutir en 1930 au Ministère de
la santé publique, lequel sera ensuite
périodiquement absorbé par d'autres
départements ministériels, l'administration de la
santé publique dut subir la concurrence de l'Institut
Pasteur qui se comportait parfois en
administration de la santé et en institution
internationale. Association privée, créée en
1888 grâce à une collecte internationale, l'Institut
Pasteur était devenu, au début des années
1920, un centre de recherche, un laboratoire industriel, un
hôpital et une institution créant des succursales en
France, dans les colonies et à l'étranger. Du fait
de son activité industrielle et de son implantation
internationale, l'Institut Pasteur avait alors un impact que ne
pouvait espérer une administration étatique. En
outre, il pouvait trouver les moyens de créer, en
association avec l'Académie de Paris, l'Institut du radium
(en 1908, pour Marie Curie). Le pouvoir de l'Institut Pasteur
permet de comprendre, en son point de départ, la
problématique d'un siècle dont la confrontation au
pouvoir médical aboutit aux procès les plus
dramatiques, sans que le problème ne soit
définitivement réglé, loin de là.
- Le procès de Lübeck a mis en cause
le vaccin B.C.G. (Bacille Calmette-Guérin) dont on a
claironné qu'il avait vaincu la tuberculose, alors que
celle-ci, qui redémarre de façon alarmante dans les
Pays de l'Est, a été enrayée, surtout par les
antibiotiques, trente ans après son invention.
- Dans les années 1920, L'Institut
Pasteur de Paris, avec ses filiales de province et des colonies,
s'est comporté en véritable ministère de la
santé. A la tête de l'Institut Pasteur de Lille,
Calmette, soutenu par l'Institut Pasteur de Paris,
considérait comme normal d'utiliser les plus faibles comme
sujets d'expérience. Après avoir
expérimenté le B.C.G., sur des mammifères, il
renonça à l'expérimentation sur les primates
(rares et chers). Il sauta donc ce stade pour expérimenter
le vaccin sur les enfants de l'Assistance publique. Puis, il
vaccina des singes, grâce à des Instituts Pasteur
installés dans les colonies. Enfin, il procéda
à une expérimentation sur les adultes en utilisant
les Africains de l'armée française. L'ensemble se
passe de commentaire. A noter que tout ceci se colorait de
paternalisme social, au point que les enfants vaccinés,
choisis à l'origine, quand ils ne relevaient pas de
l'Assistance publique, dans des familles socialement à
problèmes (et, dans le projet initial, suivis dans des
institutions spécialisées), étaient
appelés des "enfants Calmette".
- Jalousie scientifique ou prudence? Toujours
est-il que l'Allemagne était fort réticente.
D'ailleurs, des craintes s'exprimaient en France dans les milieux
médicaux, réfutées avec arrogance par
Calmette. Pourtant, la Commission d'hygiène de la SDN se
prononça pour l'innocuité du B.C.G.. C'est alors que
deux médecins de Lubeck, appuyés par les instances
municipales, décidèrent de pratiquer la vaccination
B.C.G. sur une grande échelle. Malheureusement, le vaccin
avait été mal conservé et, entre 1930 et
1932, 77 enfants moururent parmi les 256 vaccinés.
Le procès qui suivit eut un retentissement international
considérable. Etaient en cause l'arrogance
méprisante de la médecine moderne, mais aussi
l'empressement des médecines parallèles et autres
charlatanismes à démontrer la dangerosité de
la médecine universitaire. Le procès ne condamna pas
la vaccination, mais les négligences des médecins et
des institutions hospitalières dans l'administration du
vaccin.
- Surtout le Conseil de Santé du Reich
publia, le 28 février 1931, un ensemble des directives (des
Reichsrichtlinien) devant être signées par tout
médecin entrant dans un établissement dispensant des
soins. Les principes étaient :
- le respect de la vie,
- une évaluation minutieuse des
préjudices humains en cas d'expérimentation d'un
produit nouveau,
- l'accord du patient (précaution
particulière s'il s'agit d'un mineur),
- priorité à
l'expérimentation sur l'animal.
- Ne pas profiter de
l'infériorité sociale du patient (mise en garde
fort significative de l'état d'esprit de
l'époque)
- On peut remarquer que, malgré certains
succès remarquables (éradication de la variole), il
subsiste toujours une forte opposition aux vaccins dans
certains
milieux qui doivent se défendre
d'être des sectes.
- En ce qui concerne l'éthique de
l'expérimentation médicale, l'Allemagne était
sur la bonne voie Malheureusement, les Nazis prenaient le pouvoir
deux ans plus tard.
§ 2 - La médecine nazie et
procès de Nuremberg
- Les horreurs de la médecine nazie sont
désormais bien connues : les
chercheurs ont sainement réagi
contre la stupidité criminelle des Négationistes. On
sait que la médecine allemande a largement
collaboré, dans la période hitlérienne, aux
divers programmes de stérilisation, euthanasie,
génocide (les camps d'extermination fonctionnaient comme
des institutions sanitaires).
- En outre les médecins des camps de la
mort pratiquaient l'expérimentation médicale sur des
sujets vivants. On soupçonne que dans ces conditions aucun
respect n'était accordé aux cadavres. Dans le
Bas-Rhin, près du camp de concentration du Struthof, on
peut toujours visiter une chambre à gaz et les cuves
où étaient conservés les corps
destinés aux expérimentations d'un professeur de la
faculté de médecine allemande de Strasbourg (la
faculté française était repliée
à Clermont-Ferrand). On peut imaginer ce qui se serait
passé si la médecine avait alors disposé des
actuelles connaissances et techniques dans le domaine des greffes
d'organes.
- En 1945 et 1946, deux Tribunaux furent
créés à Nuremberg. Le premier, le Tribunal
militaire international, jugea les politiciens hitlériens.
L'autre, jugeant les médecins nazis, fut amené,
comme les juridictions d'Ancien Régime lorsqu'elles
constataient une lacune législative ou
réglementaire, a prononcé en 1947 un "arrêt de
règlement" connu sous le nom de Code de
Nuremberg . Ce texte
était destiné à devenir une charte
internationale de l'éthique médicale. Les principes
en étaient :
- le consentement éclairé du
sujet expérimental,
- la nécessité d'un
impératif majeur pour l'expérimentation
- l'antériorité de
l'expérimentation animale
- éviter les souffrances et a fortiori
la mutilation, l'invalidité ou pire.
- Il serait fort regrettable que soient
confirmées les accusations portées aujourd'hui par
certains médias contre des expériences au sein de
l'armée américaine alors que les U.S.A. sont
à l'origine de cette charte.
§ 3 - A l'ère des contamination
massives : les procès du sang contaminé
- La crise dite de la "vache folle" appartient
malheureusement à l'actualité, mais son étude
relève plus de la sécurité alimentaire
(envisagée plus loin) que de l'histoire institutionnelle
des professions de santé. A revanche l'historien du droit a
beaucoup à dire sur le drame du sang contaminé.
- Les procès de sang contaminé
présentent la particularité, au moins en France, de
mettre en cause autant les juristes que les médecins.
Depuis que le drame est devenu une affaire d'Etat, les
spécialistes du droit public occupent largement le terrain
éditorial et médiatique, laissant dans l'ombre le
fond du problème, qui relève à la fois du
droit privé et de l'histoire du droit et qui met en cause
la civilisation occidentale fondée sur le droit civil des
Romains, lequel a fondé nos concepts juridiques.
- Réalise-t-on réellement qu'avant
les années 1990 le sang de la transfusion sanguine n'avait
en France aucune existence juridique?
Une chose aussi énorme laisse entrevoir que, face à
la défection du droit, le drame du sang contaminé
relevait nécessairement d'un registre supérieur.
Disons qu'il est ici question d'un accident de civilisation.
- Il faut, pour réaliser ce qui s'est
joué, considérer d'abord ce qu'est l'oeuvre majeure
de la civilisation occidentale : asseoir sur le droit une
reconstruction du monde. Tout ce que le système juridique
de l'Occident a hérité de l'Antiquité
était fondé sur l'exercice de la capacité
humaine de créer dans le seul domaine où la fiction
pouvait devenir la vérité : le monde
immatériel. C'est ainsi que la civilisation occidentale a
réellement reconstruit le monde : les
réalités naturelles (les res du réel) y sont
devenues des "choses dont il est question dans un rapport de
droit" (des causae , des causes dans le sens judiciaire du terme), et les
être humains furent transformés en "masques" (en
latin, la persona signifiait d'abord le masque), à savoir ces
êtres artificiels que nous appelons des personnes. Dans un
tel système, les personnes étaient des sujets de
droit et les choses ne pouvaient qu'être des objets de
droit.
Tout ceci a très bien fonctionné pendant plus de
deux millénaires, jusqu'à ce qu'un fait majeur,
considéré longtemps comme sans conséquence
juridique, se révèle soudain comme porteur
d'abomination. Je veux parler du fait que la seule chose qui
n'avait pas été recréée par droit
était... le corps humain.
- Dans les années 1940, les premiers
procès mettant en cause la contamination par le sang (il
s'agissait alors de la syphilis) ne concernaient pas le sang en
tant que chose, mais l'acte de transfusion, plus
précisément de transfusion de bras à bras. Il
ne pouvait alors s'agir ni d'une vente, ni même d'un don de
sang. Il eût été aussi stupide de dire qu'il y
avait, juridiquement, un don de sang que de parler de don de
sperme dans un accouplement ou de don d'air dans un sauvetage par
bouche à bouche. C'est que, lorsque les fluides corporels
s'échangent par corps à corps, le droit ne peut y
percevoir que des actes mettant en cause des personnes, et non des
choses faisant l'objet d'un droit. Tout ceci a été
bouleversé par les progrès techniques qui permirent
de conserver le sang vivant en dehors du corps humain, de le
transformer et de le distribuer en entier ou sous la forme de
produits dérivés. Dès lors, les produits
corporels vivants existaient dans la nature ; ils devaient
nécessairement exister dans le monde du droit.
- Le vide juridique n'est rien d'autre qu'un
synonyme de la liberté. Lorsque le sang humain fut
conservé vivant dans l'attente d'être
transfusé, il ne fut pas logé dans la niaiserie du
vide juridique, mais bien dans la catégorie des choses. En
s'en tenant à la rigueur du droit, la question était
simple. Tant que le sang était dans le corps humain, il
n'avait pas d'existence juridique propre, puisque le corps humain
se distingue de toutes les autres choses de la nature en ce qu'il
n'est pas
recréé dans le monde du droit, mais parce qu'il y
est
remplacé
par l'abstraction juridique de la personne. C'est pourquoi le sang
n'apparaissait pas dans la perspective juridique lorsque la
transfusion se faisait de bras à bras. Il s'agissait alors,
non pas de choses humaines mais d'actes humains : actes de soins
pour les médecins, actes de sauvetage pour les donneurs,
actes d'acceptation des soins et des secours pour les malades.
Mais, conservé vivant en dehors du corps humain, le sang
entrait nécessairement dans la catégorie juridique
des choses, catégorie fort accueillante puisque les Romains
avaient prévu de longue date la sous-catégorie des
choses au sujet desquelles on ne pouvait faire aucun acte
juridique, et que nous pouvions adapter en sous-catégorie
des choses pour lesquelles on ne pouvait faire que des actes
juridiques très limités (par exemple, dons et ventes
sans bénéfice). Pourtant, l'une des origines
lointaines du drame du sang contaminé se trouve dans le
refus des juristes d'intégrer le sang de la transfusion
dans la catégorie des choses.
- Après que la loi française du 21
juillet 1952 eut, pour la première fois au monde,
organisé la transfusion sanguine, les juristes
français se contentèrent de dire ce que le sang
n'était pas (une marchandise), mais refusèrent de se
prononcer sur ce qu'il était. Les auteurs de la loi de
1952, en refusant que le sang humain n'entre dans la
catégorie des choses en tant que "médicament"
(J. O., Débats
parlementaires , 15/3/1952, p.
1322), étaient loin de se douter qu'il y rentrerait, quatre
de décennies plus tard, en tant que "marchandise
frelatée" (jugement du 23/10/92 de la 16e chambre
correctionnelle du TGI de Paris).
Ainsi, pendant près de quarante ans, le sang de la
transfusion n'appartint ni à la catégorie des
personnes, ni à celle des choses. Comme il n'y avait pas
d'autre choix, il n'existait
pas et, lorsque les
hémophiles contaminés trouvèrent enfin des
juges pour les entendre, ils furent confrontés à des
avocats prétendant que reconnaître l'existence
juridique du sang était "contraire à la
dignité humaine", puisqu'on ne pouvait pas le ranger
ailleurs que dans la catégorie des choses (TGI de Toulouse,
16 juillet 1992).
- Inconnu par le droit, le sang de la
transfusion relevait-il d'une quelconque normativité? Il
serait trop simple de dire qu'en l'absence d'un classement dans
l'une des catégories de la pensée juridique le sang
n'était plus soumis qu'à la loi du profit, plus ou
moins bien jugulée par la loi de 1952. En fait, le sang se
trouvait dans une zone incertaine où les impératifs
économiques étaient dissimulés par une
mystique du sacrifice mettant en cause des valeurs dont Ernst
Kantorowicz a retracé le parcours occidental
(Mourir pour la
patrie , Paris, PUF, 1984). C'est le
médecin canadien Norman Bethune, étrangement
méconnu en France, qui, engagé dans les Brigades
internationales, pratiqua les premières collectes publiques
de sang lors de la Guerre civile espagnole. Lui et son
équipe témoignèrent souvent de leur
étonnement face à la ferveur sacrificielle de ceux
qui vinrent alors donner leur sang (témoignages dans le
film documentaire de Donald Brittain).Dans l'histoire occidentale
du sacrifice, le don du sang se situe en effet entre le martyre
chrétien (Pie XII assimilant au Christ les donneurs de
sang) et la mort au combat (loi du 14 avril 1954 contraignant au
don du sang ceux qui n'avaient pas fait de service militaire). Ce
thème est inlassablement reproduit dans les articles et le
courrier des lecteurs de la presse associative des donneurs de
sang. On voit, dans cette littérature trop
négligée, que le sang contaminé est
traité comme un mal venu d'ailleurs, rigoureusement
incompatible avec l'idée de sacrifice, et que le
véritable ennemi du donneur de sang militant est ce sang
artificiel qui, un jour peut-être, le privera de l'honneur
d'être sacrifié (voir le mémoire de droit que
Cédric Richardet a consacré en 1997, à
Strasbourg, aux Associations de
donneurs de sang ). S'inscrivant
dans la civilisation occidentale entre le martyr et le chevalier,
le donneur de sang bénévole est conscient
d'appartenir à une aristocratie : j'invite à
réfléchir sur ce point en considérant que les
donneuses de lait maternel ont été accueillies dans
l'élite du bénévolat lorsqu'elles se
distinguèrent des catégories sociales dans
lesquelles on avait recruté les nourrices (voir le
mémoire de Nadine Reiter sur Le Statut
juridique du lait maternel
).
Adhérant fortement au discours mystique des associations de
donneurs de sang, notamment dans leurs déclarations
à l'occasion de leurs congrès, les autorités
politiques et médicales laissèrent dans l'ombre les
froides réalités des impératifs
économiques. On connaît, hélas! la suite.
- En se méfiant de toute
velléité de refaire l'histoire, il est possible
d'indiquer qu'un sang de la transfusion inséré
clairement dans la catégorie des choses aurait offert aux
transfusés la perspective d'une protection juridique allant
de la garantie contre les vices cachés jusqu'à
l'accusation d'empoisonnement. S'intercalant entre l'écran
de fumée du discours mystique et les abominations de
logique économique, le droit des biens appliqué au
sang aurait laissé entrevoir aux prescripteurs et
distributeurs de produits sanguins des risques judiciaires
énormes, alors qu'ils avaient, plus ou moins consciemment,
le sentiment rassurant que tout le système de santé
était solidaire : rien ne pouvait les atteindre sans que
soient mises en cause les plus hautes autorités de
l'Etat.
Faute d'avoir pu être traitée préventivement
par le droit, la contamination sanguine est devenue,
nécessairement, une affaire d'Etat.
Plan du cours