Université Paris X - NANTERRE

Maîtrise : Histoire de l'administration publique

(1er semestre de l'année 2000-2001) - Ière partie, chapitre 3


Chapitre 3

La puissance technologique

 

 

 

Est-il nécessaire, après avoir évoqué l'importance des routes, des voies navigables, des ponts, des fortifications et de toutes les techniques guerrières et civile, d'ajouter quelque chose pour justifier le lien entre l'histoire administrative et l'histoire des sciences et techniques?

Nous seront conduits à étudier successivement l'origine des ingénieurs et l'apparition des Ecoles d'ingénieurs.

 

¶ I - L'origine des ingénieurs

 

  • On pourrait être tenté de situer l'origine des ingénieurs dans ce monde hellénistique qui succéda à l'empire d'Alexandre avec deux implantations dominantes, en ce qui concerne les sciences et techniques, Alexandrie et la Sicile. A Alexandrie, la science grecque avait rencontré la science égyptienne. En Sicile, où la philosophie grecque s'était développée (ainsi qu'en Ionie et en Italie du Sud) bien avant qu'elle ne devienne Athénienne, le tyran de Syracuse, Hiéron II, e­ut, au IIIe siècle av. J.C., un proche (et peut-être un parent) appelé Archimède. Le comportement d'Archimède fut celui d'un ingénieur, tel qu'on le concevait du XVe siècle au XVIIIe siècle. Il a mis son savoir scientifique et ses connaissances techniques au service de la cité (nous dirions aujourd'hui l'Etat). Entre autres, il a inventé diverses machines de guerre pour défendre Syracuse contre les Romains lorsque ceux-ci firent la conquête de la Sicile.
  • En fait, il n'y eut pas d'ingénieurs dans l'Antiquité parce que la société, fondée sur l'esclavage, n'attendait pas d'une catégorie de savants qu'ils inventent des techniques remplaçant le travail humain.
    • Certes, l'Antiquité à offert à l'Occident de remarquables inventions.La Grèce a inventé la vis (d'apparence fort modeste, mais à la réflexion très importante dans de multiples mécanismes) et, surtout, le moulin a eau, ce formidable moteur dont l'histoire commença au titre de machine à moudre le grain et qu'on retrouve encore dans la production de houille blanche. Quant aux Romains, on leur doit une architecture où la technicité l'emportait sur l'esthétique, avec entre autres l'invention de la voûte aux nombreuses applications (bâtiments, ponts, aqueducs, etc.). Malgré leur importance, ces inventions restèrent anonymes et, à l'inverse, les inventions d'Archimède furent oubliées au point que certaines nous apparaissent comme mythiques.Ces constats élémentaires suffisent à démontrer que la catégorie sociale de l'ingénieur n'appartenait pas à l'Antiquité
    • En revanche, l'Antiquité connut de nombreux inventeurs dont certains laissèrent un nom. Le cadre du phénomène fut Alexandrie, ce lieu extraordinaire dans l'histoire des sciences, où nous savons déjà que le diamètre de la terre y fut pour la première fois calculé, où fut constituée la première bibliothèque publique et où la dynastie des Ptolémée, issue des fragments de l'Empire d'Alexandre, présida à la rencontre de la pensée grecque et du savoir Egyptien. Parmi les découvertes fondamentales d'Alexandrie, signalons l'énergie de la vapeur, des applications de l'énergie solaire (la serre, et on soupçonne plus), ainsi que le télégraphe (système non alphabétique d'Héron d'Alexandrie permettant de transmettre un certain nombre de messages). Sans parler de ces multiples inventions intermédiaires entre l'artisanat du jouet et la physique amusante : automates qui roulaient, marchaient et même volaient. Rien de cette extraordinaire débauche d'ingéniosité ne fit l'objet de la moindre application industrielle, et cela parce que, dans un monde faisant de l'esclavage l'un des fondements de la société, il était inconcevable d'investir dans la fabrication de machines qui remplaceraient le travail humain.
    • La technologie antique est surtout architecturale (d'ailleurs "architecte" et "ingénieur" seront des synonymes jusqu'au XVIIIe siècle). L'architecture est liée à l'existence de la cité. Elle montre la puissance de la ville qui prétend devenir un Empire. La voûte, cette formidable invention des architectes romains, permet de construire des édifices, mais aussi des ponts et des aqueducs. Pour illustrer le problème, posons une question qui comporte aussi sa réponse : si le prestige de Rome n'était pas en cause, pourquoi construire un aqueduc pour Lyon, ville au confluent du Rhône et de la Saône et dont les maisons de l'époque romaine était toutes munies d'une citerne récupératrice des eaux de pluie, sans parler des puits? On voit bien qu'il s'agissait plutôt du prestige de Rome que d'une nécessité pratique.
    • Hormis l'architecture et malgré l'ingéniosité de savants exceptionnels comme ceux de Sicile et d'Alexandrie, la technologie antique resta de pure curiosité, et cela parce qu'on n'envisageait pas d'investir pour appliquer ces inventions à l'industrie. En d'autres termes l'esclave était si fortement perçu comme indispensable que nul n'imaginait qu'une machine puisse le remplacer.
  • Le Moyen Age mérite-t-il de figurer dans une histoire de la technologie? Pour cette période, on signale généralement le moulin à vent, le ferrage des chevaux, la redécouverte de la charrue, les mystères alchimiques du verrier, etc., sans oublier les grands progrès de l'architecture sacrée et militaire.
    • Il n'empêche que le Moyen Age n'a inscrit ni l'architecture, ni la technologie industrielle dans les sciences universitaires : tout ceci appartenait au monde des "arts mécaniques" (travaux manuels) où on distinguait difficilement un architecte d'un simple maçon.
    • En outre, tout ce qui n'était pas science universitaire pouvait, surtout à partir du XIVe siècle, être soupçonné d'appartenir aux sciences diaboliques, croyance dont il faut encore rappeler l'importance dans la fantasmatique occidentale. Tel fut le cas de l'alchimie, vivement défendue par les universitaires, mais finalement réduite à se dissimuler en "science occulte" du fait de l'hostilité de l'Inquisition.
    • En fait, le désintérêt pour la technologie (ainsi qui pour les sciences naturelles et physico-chimiques) était propre à la Chrétienté. L'Islam continua heureusement l'oeuvre de l'Ecole d'Alexandrie (ce n'est pas par hasard que les sciences médiévales ont tellement fait appel au vocabulaire arabe : alchimie, algèbre, almanach, alambic, alcool, alcali, etc.). Parmi ceux qui, dans le monde chrétien tentèrent d'ouvrir les esprits à la technologie, citons, outre tous ceux qui firent l'éloge de l'alchimie, Roger Bacon qui, au XIIIe siècle, dénonçait un savoir universitaire ignorant les expériences que tentaient déjà des techniciens de son époque : mécaniques automobiles sur terre et sur voie d'eau et même (c'était la seule expérience à laquelle il n'avait pas assisté en personne) une machine volante.
    • Il y eu, en 1277, un moment fondamental dans l'histoire occidentale des sciences et techniques, lorsque le pape fit condamner, à Paris et à Oxford, un certain nombre de positions hérétiques et toutes les recherches dans le domaine expérimental (assimilé à la magie). En cette même année, Roger Bacon fut emprisonné jusqu'à la fin de ses jours par son ordre franciscain (motif : curiosité scientifique suspecte).
  • Les choses changent lorsque , à partir du XVe siècle, l'on voit en Allemagne et en Italie des personnages se donnant le titre d'ingénieur et publiant des carnets de croquis et de plans. Le plus célèbre d'entre eux sera Léonard de Vinci.
       
    • En effet, cette époque de la Renaissance nous montre les petits états, d'abord, puis les grandes puissances européennes (avec François Ier en France) découvrant en même temps la science politique (Le Prince de Machiavel) et son implication technologique grâce à la science de l'ingénieur.
    • Au Moyen Age, les ingénieurs-architectes n'existaient socialement qu'au travers de la corporation à laquelle ils appartenaient. Ils apparurent sur la scène sociale lorsque les princes les sortirent de leurs corporations d'artisans ou d'artistes (surtout chez les fondeurs, à la fois artistes et métallurgistes) pour se les attacher personnellement. C'est ce qu'on appelle un système mécénal depuis que Mécène, ami de l'empereur Auguste, avait donné l'exemple de pensionner des artistes qui, en contrepartie, chantaient ses louanges. Sous la Renaissance, les ingénieurs étaient sortis des corporations pour être attachés personnellement au prince, lequel leur confiait des travaux publics et privés contribuant à affirmer la puissance de leur employeur.
    • C'est ce qui explique la gloire de Léonard de Vinci, au tournant des XVe et XVIe siècle dont les travaux, dans les siècles précédents auraient passé inaperçus. Voilà pourquoi on peut s'interroger sur l'originalité de son oeuvre, non pas que les accusations de falsification postérieure soient dignes d'intérêt (même en ce qui concerne la "bicyclette" de Léonard de Vinci), mais parce qu'il faut au contraire s'interroger sur ce qui a précédé son oeuvre. C'est là que l'on peut relativiser l'ampleur de son génie, en tenant compte de ces travaux inconnus dont parlait Roger Bacon au XIIIe siècle, lesquels s'inscrivaient dans une antique tradition qui, par l'intermédiaire des Arabes, remontait au foisonnement intellectuel d'Alexandrie, c'est-à-dire bien avant l'Ere chrétienne.
    • La promotion de l'ingénieur est intervenue dans le contexte d'un bouleversement de l'armée (artillerie à poudre) et d'un redémarrage économique exigeant un perfectionnement des voies terrestres et fluviales (grande importance de l'hydraulique chez les nouveaux ingénieurs) et des moyens de transports maritimes. Politiquement et économiquement, c'est aussi l'époque des nouveaux Etats européens et du colonialisme. Or ce fut aussi l'époque où l'Occident redécouvrit l'esclavage. Bien que quelques Grecs l'aient cru, l'invention du moulin à eau n'avait pas libéré la femme de sa servitude domestique. Si, dans l'Antiquité, l'esclavage avait freiné le machinisme, l'inverse ne se réalisa pas, bien au contraire : l'architecture navale fit de grands progrès pour les besoins de la traite des Noirs et du commerce triangulaire. Conséquence totalement inattendue : la théologie y trouva même son compte avec Kircher, au XVIIe siècle, utilisant les plans d'un bateau de la traite pour dessiner l'Arche de Noé et ajoutant que Dieu pouvait inspirer un tel savoir (d'où il n'était pas sacrilège d'utiliser son savoir pour combattre un fléau de Dieu). On pourrait dire en plaisantant (mais le sourire peut saluer la vérité) que Kircher fit de l'Arche de Noé l'instrument de la première opération de sécurité civile ; mais il est certain que le raisonnement du savant Jésuite plaçait dans la légalité scientifique cette vaccination variolique qui peut de temps après ouvrait la guerre moderne contre ces pathologies que Pasteur définira un jour comme microbienne.

 ¶ II - Les écoles d'ingénieurs

 

§1 Les créations de l'Ancien Régime

 

L'apparition des ingénieurs parmi les agents du roi est un phénomène dont l'importance doit être soulignée.

Le phénomène est d'abord à retenir pour ce qu'il signifie dans le cadre historique de la légalité scientifique. Contrôlée par l'Eglise, la science médiévale possédait une hiérarchie des disciplines sous la domination de la théologie (dans le universités médiévales, la médecine était hiérarchiquement la dernière des sciences et la technologie était absente). A partir du XVIe siècle, les Etats modernes commencent à promouvoir des disciplines utiles au regard de leurs propres critères, ce qui explique alors la promotion des professions de santé et des ingénieurs.

 

L'apparition des ingénieurs eut d'importantes conséquences dans l'administration

     
  • Création des corps techniques dans l'armée et dans l'administration civile :
    • Les officiers du Génie, utilisés à l'origine dans le Département des fortifications par Louis XIV et Louvois, puis employés dans les diverses implications techniques de l'activité militaire, et en outre utilisés au XVIIIe siècle dans des tâches civiles.
    • Le corps des Ponts et chaussée, apparu en 1716 mais dont la lointaine origine se trouve dans la création, à la fin du XVIe siècle par Henri IV et Sully, d'un office de Grand Voyer de France. On doit à ce très ancien corps technique l'excellence du réseau routier français.
    • Le corps des Mines, organisé par Napoléon en 1810 (mais formé par une école créée en 1783), qui fut l'auxiliaire technique de l'Etat dans son aide au développement industriel, bien au-delà du domaine minier (entre autres dans le domaine de la circulation ferroviaire et automobile : d'où le contrôle des automobiles par le Service des mines et le numéro "minéralogique" ).
  • Apparition des Grandes écoles (originalité de l'enseignement supérieur français)
    • Sous Louis XV :
      • 1747 : création à Paris de l'Ecole des Ponts et Chaussées
      • 1748 : création à Mézières de l'Ecole du Génie
      • (Note : les établissements scolaires et universitaires n'étaient pas capable de préparer aux concours d'entrée de ces écoles. C'est pourquoi des ingénieurs ouvrirent à cet effet des cours privés qu'on peut considérer comme la lointaine origine des classes préparatoires aux concours des Grandes écoles)
    • Sous Louis XVI :
      • 1783 : transformation d'une classe spéciale de l'Ecole des Ponts et chaussée en Ecole des Mines; Auparavant la France devait, dans ce domaine, aller chercher ses techniciens (et parfois ses mineurs) en Allemagne. A noter que Napoléon l'a transportée - nous dirions aujourd'hui "délocalisée" - en 1802 de Paris en Savoie (française de 1792 à 1815, en attendant le rattachement de 1860), dans le village de Peisey et dans la petite ville de Moûtiers, lieux où, à la différence de Paris, on pouvait trouver de petites mines bien adaptées aux travaux pratiques.

       

§ 2 - La place de l'Ecole polytechnique dans l'histoire de la science et des techniques

 

L'Ecole polytechnique fut une création de la période la plus troublée de l'histoire de France, période où, pourtant, la science française était la première au monde, place qu'elle ne retrouva jamais par la suite. Cet apparent paradoxe exige quelques explications.

  • Contexte scientifique de la Révolution

    Dans le domaine scientifique, la Révolution a
    détruit, conservé et innové.
    • Elle a détruit les universités qui ne réapparurent qu'en 1896 : elles présentaient le double défaut d'être des corporations et des institutions en pleine décadence (les congrégations avaient aussi été supprimées avec leurs collèges). Mais elle ne parvint pas à remplacer tout ceci par un nouveau système éducatif, oeuvre que Napoléon réalisa en reprenant partiellement l'apport révolutionnaire (entre autres les écoles centrales qui devinrent les lycées) ; nous verrons qu'il fallut, pour lutter contre le charlatanisme, créer d'urgence des Ecoles de santé. Elle a aussi condamné et exécuté Lavoisier, fondateur de la chimie moderne, non en tant que savant mais pour avoir été un fermier général. Pourtant ce fermier général n'avait pas, comme les autres, pratiqué l'oppression fiscale. Spécialiste des salpêtres, il avait été installé par Louis XVI à la tête de la Régie des salpêtres lorsque ceux-ci fut ôtée à la Ferme générale. Autorisé à installer son laboratoire à l'Arsenal, il avait transformé ce lieu en véritable centre de recherche scientifique et y avait fait ses plus grandes découvertes dans la quinzaine d'années qui conduisirent à la Révolution. C'est à l'occasion de sa condamnation que fut prononcée la fameuse phrase "La Révolution n'a pas besoin de savants". Ce ne fut que le mot d'un féroce imbécile (un certain Cofinhal, président du Tribunal révolutionnaire). Au contraire, la guerres de la Révolution furent les premières où l'on mobilisa systématiquement les savants : amélioration de l'artillerie, création de l'aéronautique militaire, invention du télégraphe, etc. Sur ce point, le témoignage du chimiste Chaptal fut sans ambiguïté.
    • On ne s'étonnera donc pas de ce que la Révolution ait conservé l'essentiel des institutions scientifiques de l'Ancien Régime. C'est d'abord le cas pour la plus ancienne, le Collège royal, fondé par François Ier et qui survivra à la Révolution sous le nom de Collège de France.
    • Et aussi en ce qui concerne les principales académies de l'Ancien Régime, mises à part l'Académie de chirurgie (Louis XV) et la Société royale de médecine (Louis XVI) qui ne réapparaîtront que sous la Restauration en se fondant au sein de l'Académie de médecine, académies qui survivront sous le nom d'Institut de France (signalons que l'Académie des sciences, fondée par Colbert sous Louis XIV, fut la première institution occidentale où des chercheurs furent rémunérés pour... chercher).
    • Quant au Jardin du Roi, à l'origine (sous Louis XIII) Jardin royal des plantes médicinales, il fut d'abord le lieu où, outre la botanique, l'enseignement de la chimie fut officiellement professé (intérêt des pharmaciens pour les nouvelles médications chimiques), puis, avec Buffon (sous Louis XV) un lieu de recherche se détachant des professions de santé pour s'orienter vers les sciences naturelles et la géologie (Buffon fut le premier à démontrer par l'expérience que la terre était beaucoup plus vielle que les six millénaires que lui accordaient la Bible et l'Ere chrétienne). C'est pendant la Révolution, au milieu des convulsions de la Terreur, avec parfois des épisodes comiques dans un décor tragique (l'amitié du lion et du chien, les retrouvailles du couple d'éléphants, la candidature du frère de Marat, "souffleur d'insectes", utilisée pour obtenir du Comité de Salut public les crédits pour l'achat des vitrines protégeant la collection minéralogique), c'est dans cet hallucinant mélange d'horreur, de burlesque et de rouerie que naquit, pour succéder au Jardin du Roi, le Muséum d'histoire naturelle.
    • Pour annoncer la suite, nous savons aussi que les Grandes écoles du Génie, des Ponts et chaussées et des Mines franchirent sans problème le cap de la Révolution.
  • Création sous la Convention (1794) de l'Ecole polytechnique
      Destruction, conservation, et aussi innovation. Voyez par exemple cette institution extraordinaire, sans exemple ni copie, je veux parler du Conservatoire national des arts et métiers : un endroit où les industriels devaient faire progresser les techniques en y exposant leurs machines et où les ouvriers viendraient suivre des cours du soir pour devenir eux-même des créateur d'industries fabriquant de nouvelles machines. Voyez aussi l'Ecole normale (dite aujourd'hui "supérieure" pour la distinguer des Ecoles normales d'instituteurs) qui deviendra le lieu privilégié de formation du professorat de l'enseignement secondaire et supérieur dans le domaine des lettres et des sciences. Et voyez enfin cette Ecole polytechnique, destinée à chapeauter les écoles d'ingénieurs héritées de l'Ancien Régime : ce sera le haut lieu de formation des cadres techniques, civils et militaires, de l'Ere industrielle.

       

  • L'Ecole polytechnique face au développement des sciences et techniques
    • En 1794, l'Ecole polytechnique, premier établissement d' enseignement supérieur possédant un laboratoire, comptait parmi ses professeurs une grande majorité de savants de stature internationale. Elle resta un haut lieu de recherche jusqu'au milieu du XIXe siècle. A ce moment, elle s'orienta exclusivement, à l'instar des autres écoles d'ingénieurs, vers la formation des cadres techniques et de gestion. C'est ce qui explique que, lorsque les prix Nobel apparurent en 1901, aucun ne couronna jamais un élève d'une Grande école (à l'exception d'un prix d'économie abusivement qualifié de prix Nobel) et que tous les Prix Nobel français furent des "produits universitaires", fait au sujet duquel les Grandes écoles sont, on s'en doute, d'une extrême discrétion.
    • La démission scientifique de l'Ecole polytechnique laissa un grand vide que combla partiellement l'Ecole normale supérieure, grâce à une initiative de Louis Pasteur, administrateur de l'Ecole sous le Second Empire, qui créa des postes d'agrégés-préparateurs, destinés à maintenir dans l'institution les meilleurs agrégés qui, au lieu d'aller rejoindre une obscur lycée, poursuivaient leurs recherches tout en préparant la rédaction d'une thèse pouvant leur permettre d'accéder directement au professorat dans une faculté (nous verrons plus loin, dans le contexte du pouvoir médical, le rôle de l'Institut Pasteur créé en 1888).
    • Ensuite, une simple école municipale, l'Ecole de physique et chimie industrielles de la Ville de Paris (héritière après 1870 de l'Ecole de chimie de Mulhouse, dont certains professeurs avaient émigrés pour ne pas être Allemands) fut le haut lieu de la recherche française (Curie, Becquerel, Langevin, Joliot-Curie). Enfin, le CNRS vint donner à la science française l'institution qui lui faisait dépasser l'ère des "bricolages institutionnels" (en 1939, Joliot-Curie déposa au nom du CNRS nouvellement fondé, le premier brevet pour une centrale nucléaire). Après la Seconde guerre mondiale, le renouveau institutionnel de la science française dut beaucoup à la volonté personnelle du général De Gaulle, à la Libération (CEA : Commissariat à l'énergie atomique) et au début de la Cinquième République (CNES. : Centre national d'études spatiales, qui eut un rôle moteur dans les programmes spatiaux européens).

 

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