Université Paris X - NANTERRE

Maîtrise : Histoire de l'administration publique

(1er semestre de l'année 2000-2001) - Ière partie, chapitre 1


Chapitre 1

La connaissance scientifique de l'espace, du temps et de la population

 

 

Reconnaissant qu'en la matière il est difficile de distinguer totalement les deux instances (rares sont les pouvoirs étatiques qui repoussent totalement la perspective impériale), nous distinguerons cependant l'échelle mondiale et l'échelle d'un pays.

¶ I - A l'échelle mondiale

§ 1 - L'espace

  • La rotondité de la terre était une théorie philosophique remontant à Pythagore. Elle expliquait certains faits expérimentaux (disparition du navire à l'horizon) et confirmait une théorie géométrique à la limite de la croyance : la sphère était la forme parfaite.
  • Mieux, les Grecs, dans ce foisonnement scientifique d'Alexandrie (rencontre de la philosophie grecque et de la science égyptienne), parvinrent à faire un calcul de la circonférence du globe terrestre, dont le résultat n'est nullement ridicule au regard des moyens dont on disposait alors.
  • Eratosthène, qui vécut aux alentours de 276-195 av. J.-C., fut l'auteur de ce tour de force. Vivant à Alexandrie, il eut la connaissance de ce que, à Assouan, le 21 juin à midi, on pouvait apercevoir le soleil au fond d'un puits, alors qu'on ne constatait rien de tel à Alexandrie. Partant de l'ombre portée au sol par un obélisque dressé à Alexandrie, le 21 juin à midi, Eratosthène mesura la longueur de l'ombre que celui-ci projetait à terre et l'angle que faisait le sommet de l'obélisque avec l'extrémité de l'ombre. Cet angle donnait ainsi la fraction de circonférence terrestre correspondant à la distance entre Assouan et Alexandrie, soit, 7, 2° : donc la circonférence terrestre représentait 50 fois la distance entre ces deux villes (7, 2° x 50 = 360°). Avec des moyens très rudimentaires, il obtint un résultat de 250 000 stades, ce qui donnait à peu près 45 000 kilomètres (au lieu de 40 000, selon nos mesures actuelles).
  • Au IIe siècle de notre ère, Ptolémée découvrit qu'Eratosthène avait surévalué la circonférence terrestre. Il refit les calculs, mais en sous-évaluant exagérément : 28 800 kilomètres. En outre il dessina une Asie qui s'allongeait beaucoup trop vers l'Est. C'est cette géographie de Ptolémée qui fit croire à Christophe Colomb que l'Asie était deux fois plus proche qu'en réalité dans un voyage vers l'Ouest. On le sait, l'homme eut la chance de découvrir l'Amérique, mais en restant persuadé qu'il avait atteint des îles proches de la Chine.
  • On croit généralement que la rotondité de la terre était inconnue avant l'Ere des grandes découvertes géographiques. Cette erreur est due au fait que la géographie de l'Antiquité tardive fut dominée à la fois par le goût du fantastique et par la foi chrétienne. En particulier, on croyait fermement, au Moyen Age, en une cartographie mettant Jérusalem au centre du monde.
  • Au XVe siècle, le Portugal élabora un programme de recherche géographique qui, dans son intention (la découverte du globe terrestre) et, toutes proportions gardées, par les moyens, ne fut dépassé que par les programmes spatiaux du XXe siècle. Ce petit royaume, coincé entre l'Espagne et l'Atlantique, découvrit au XVe siècle qu'il était contraint à s'imposer dans les parties inconnues du globe, et d'abord en Afrique, continent alors inconnu au-delà du Maghreb et dont on commençait à soupçonner les richesses. Le maître d'oeuvre du programme fut Henri le Navigateur (1394-1460), un infant qui ne régna jamais. A partir de 1420, il installa à Sagres le premier centre de recherche qu'ait connu l'Occident : ouvrages géographiques, cartes, instruments de navigation, journaux de bord (qu'il rend obligatoires) et aussi construction navale (invention de la caravelle, navire permettant enfin de bien naviguer contre le vent grâce aux voiles "latines", voiles triangulaires des petites embarcations méditerranéennes).
  • Du fait de la crainte naturelle de l'inconnu, les premiers obstacles à franchir furent d'ordre psychologique. Au XVe siècle le cap Bojador (sur la côte marocaine, au Sud des Canaries) était considéré comme infranchissable, pour des raisons que nul ne pouvait préciser. Entre 1424 et 1434, Henri envoya 15 expéditions pour le franchir. Toutes échouèrent pour des raisons totalement extravagantes (vagues dans tous les sens, tourbillons provoqués par des sardines! et autres...). Le jour où un seul navire franchit le cap Bojador, tous les autres passèrent. C'était un cap... psychologique.
  • L'oeuvre d'Henri le Navigateur fut poursuivie, après sa mort, par les rois du Portugal. En 1488, Diaz découvrit le Cap de Bonne Espérance. Il démontrait par là que l'Afrique ne se perdait pas dans les glaces du Pôle Sud : on pouvait atteindre les Indes par voie de mer. C'est ce que réalisa Vasco de Gama en 1497-1499. Quelques années plus tard les épices, essentielles non seulement pour la cuisine mais aussi pour la pharmacie, et qui étaient auparavant transportées par les caravaniers arabes depuis les Indes (puis chargées vers Venise), se trouvaient sur le marché de Lisbonne à un prix cinq fois moindre que sur celui de Venise.
  • Mais, à l'époque, l'attention se portait surtout vers la réussite du Génois Christophe Colomb, dont le projet avait été repoussé par le royaume du Portugal et accepté par l'Espagne : compensée par la chance, l'erreur de Colomb allait faire découvrir à l'Occident de quoi étendre son empire bien au-delà de l'Atlantique.

§ 2 - Le temps

Pour l'homme, pauvre mortel, la volonté de maîtriser le temps est un acte de pouvoir absolu. L'histoire nous montre plutôt l'homme soumis, par sa nature autant que par sa culture, aux forces naturelles qui imposent un rythme à sa vie. Tout au plus croit-il pouvoir donner au découpage du temps une explication surnaturelle : Dieu, en créant le monde en 6 jours et en se reposant le septième, nous aurait imposé la semaine. Non seulement l'intervention humaine dans le calcul du temps est la marque du pouvoir, mais notre division du temps est, en Occident, intimement liée au développement du phénomène impérialiste.

  • Le calendrier
    • A Rome, avant César, le calendrier romain, fort complexe, dépendait de l'autorité ecclésiastique, laquelle devait intercaler, à un moment défini par les pontifes, un mois supplémentaire tous les deux ans : l'opération répondait plus à des considérations politiques qu'astronomiques. Le désordre était tel que le calendrier ne s'accordait plus avec les saisons.
    • Jules César réforma ce calendrier. Conformément à notre point de vue, retenons surtout l'aspect politique de la chose : faire dépendre le calendrier de l'autorité civile, avec en outre la marque du pouvoir personnel (le mois de Julius César fut juillet, avec ensuite le mois approprié par Auguste, août). Le calendrier de César (ou "julien"), adopté par la chrétienté, resta en vigueur jusqu'au XVIe siècle. Il est toujours utilisé par l'Église orthodoxe.
    • Pour mettre fin aux difficultés et erreurs engendrées par le calendrier julien, Grégoire XIII, aidé comme l'avait été César par les savants de son temps, réalisa en 1582 un nouveau calendrier (d'où, calendrier "grégorien"). Là encore, seule la question du pouvoir d'organiser le temps doit retenir l'attention. Oeuvre d'un Pape, en un temps où la séparation entre l'Eglise catholique et l'Eglise orthodoxe était consommée depuis plus de cinq cents ans, dans une Europe divisée par la Réforme, on comprend qu'il ait été mieux accueilli (bien qu'avec quelques réticences) dans les pays catholiques que dans le reste de l'Occident. L'Angleterre et l'Amérique du Nord ne l'acceptèrent qu'au milieu du XVIIIe siècle (1752). Depuis, il est devenu le calendrier des relations internationales, mais en réservant souvent l'usage d'un autre calendrier, soit pour la vie nationale, soit pour la seule année religieuse. La volonté de marquer par le calendrier le début d'un bouleversement politique reste toujours présente, illustrée par l'expérience française du Calendrier républicain, de 1793 à 1806, et la tentative soviétique, de 1929 à 1940.
  • Les heures
    • La question ne se pose pas différemment, au regard du pouvoir, en ce qui concerne les heures, sauf qu'il s'agit de s'intercaler entre les hommes, la nature et les dieux, non pas sur des périodes qui peuvent mettre en cause des civilisations, mais dans le rythme de l'existence quotidienne.
    • Faisant la part de ce qui relève exclusivement (ou presque) de l'histoire scientifique et technique, nous retiendrons ce qui se rattache au pouvoir, c'est-à-dire à ce qui relie l'Occident au pouvoir impérial romain.
    • A ce propos, retenons d'abord le rôle majeur de l'Eglise, héritière directe des institutions occidentales en Occident. Auparavant, l'antiquité grecque avait mis au point des techniques pour mesurer le temps de jour (le gnomon ou cadran solaire) et de nuit, notamment grâce à l'écoulement d'eau (la clepsydre, étymologiquement la "voleuse d'eau"). D'autres procédés avaient été utilisés, en Occident et ailleurs (sabliers, chandelles, lampes à huile, bâtonnets d'encens). Mais ce qui est directement à l'origine de la pendule moderne est la volonté de l'Eglise de rythmer la vie des membres du clergé, surtout dans les monastères, puis du reste du peuple chrétien. C'est pourquoi l'horloge fut d'abord une cloche (d'où son nom en anglais ancien et en allemand), marquant grâce à un mécanisme la succession des offices et des prières. C'était à l'origine une mécanique sans cadran, servant à sonner les heures correspondant aux divers temps de la vie ecclésiastique. Puis, ce mécanisme fut utilisé pour faire sonner une ou plusieurs cloches du clocher. Ensuite vinrent les cadrans marquant les heures, puis les minutes et, bien plus tard, les secondes. C'est l'horloge mécanique qui mit fin à la variation des heures selon les saisons, le jour et la nuit. La mécanique imposée par l'Eglise est à l'origine de ce que, depuis le premier tiers du XIVe siècle, nous ayons pris l'habitude de diviser les journées en 24 heures égales.
    • En outre l'histoire de l'horlogerie de précision entretient un rapport direct avec l'impérialisme occidental. En effet, la découverte du Nouveau Monde et du reste du globe inconnu avant le XVe siècle imposait qu'on puisse naviguer partout en se situant exactement sur la planète. Le calcul de la latitude était relativement facile (par exemple, angle soleil-horizon). Pour la longitude il en allait autrement, compte tenu qu'on ne pouvait apprendre l'astronomie à tous les capitaines, ni mettre des télescopes sur tous les bateaux. La solution était d'embarquer d'excellentes horloges sur les navires : en la réglant sur l'heure de Greenwich, on peut savoir, en fonction de la différence d'heure au lever ou au coucher du soleil par rapport à Greenwich, où l'on se trouve en longitude. Mais comment faire fonctionner sur un bateau, une horloge à poids et à balancier? C'est pourquoi le parlement anglais, offrit une importante prime à celui qui trouverait un moyen de mesurer exactement la longitude. Elle fut gagnée en 1761 par un certain John Arrison, qui avait mis au point un modèle de pendule à ressort, qui, lors d'une traversée atlantique, n'avait varié que de cinq secondes en 9 semaines. La maîtrise du temps rencontrait ainsi la maîtrise de l'espace.

¶ 2 - A l'échelle d'un pays

Ici, il s'agit en fait du même problème (d'où ce qui précède concerne aussi le pouvoir interne), mais vu sous l'angle de l'administration quotidienne. Retenons l'importance administrative de la cartographie et du cadastre, ainsi que celle du recensement.

§1 - La cartographie et le cadastre

  • La cartographie
    • L'excellence de la cartographie est-elle liée à l'histoire d'une administration centralisée? Ceci expliqueraitla qualité de la cartographie chez les Français, par ailleurs peu férus de géographie, alors que les habitants des Etats-Unis, pourtant particulièrement sensibles à la géopolitique, se contentent dans leur quotidien de cartes d'une effarante médiocrité.
    • La cartographie entra dans son ère moderne, au XVIe siècle, entre autres sous l'influence du cartographe flamand Mercator. C'était le temps où la Monarchie française, ne se contentant plus de son ancien rôle judiciaire et militaire, entrait dans cette phase, si bien nommée administrative, où prenait forme l'Etat moderne. La centralisation française, qui doit beaucoup à l'Ancien Régime (au moins autant qu'au mythique Jacobinisme), ressentit vite le besoin d'une cartographie authentiquement scientifique. Au milieu du XVIIIe siècle, Cassini entreprit la cartographie complète de la France. Bien que terminée en 1815, la carte de la France était suffisamment avancée en 1789 pour permettre à la Constituante de dessiner ces départements qui sont restés la "caisse de résonance" de la volonté du pouvoir central et qui, pour cette raison, ne furent jamais supprimés au travers des multiples changements de régime que la France connut depuis.
    • Signalons aussi qu'une carte est destinée à être reproduite. L'ancienne technique de la gravure sur cuivre était artistiquement parfaite, mais exigeait facilement un an de travail pour une feuille (et autant pour sa reproduction). La solution vint des procédés modernes de reproduction, avec en particulier, pour le XIXe siècle, l'héliogravure.
  • Le cadastre
    • L'institution du cadastre remonte à la plus haute antiquité et est plus liée à l'histoire fiscale qu'à celle de cartographie. Sa nécessité se fait sentir chaque fois qu'apparaît l'impôt foncier.
    • En se limitant à l'histoire de second millénaire. On voit apparaître le cadastre en Angleterre avec le Domesday Book que Guillaume le Conquérant fit établir dès la victoire de Hastings (1066) afin de soumettre ses nouveaux sujets à l'impôt foncier. L'Angleterre l'utilisa jusqu'au XIXe siècle.
    • C'est pourtant dans les Etats de la Maison de Savoie, devenus depuis la fin du XVIIe siècle, le Royaume de Sardaigne, que naquit le cadastre moderne, principalement du fait du roi Victor-Amédée III, monarque autoritaire réunissant en sa personne l'absolutisme de Louis XIV et l'obsession centralisatrice de Napoléon Ier. Cette Mape sarde, à laquelle Jean-Jacques Rousseau fut quelques temps employé lors de sa résidence à Chambéry, était terminée lorsque la France eut, avec la Révolution de 1789, à la fois la volonté et les moyens de réaliser son propre cadastre.
    • En France l'absolutisme pouvait moins bien s'exprimer sur le terrain qu'il ne s'affichait sur la scène internationale. Les paroisses rurales manifestaient une hostilité violente contre tout ceux qui prétendaient mesurer, estimer, arpenter. Les agents des Eaux et forêts en firent souvent la cuisante expérience lorsqu'ils voulurent, pour délimiter la zone d'application de l'ordonnance forestière de Colbert, délimiter les forêts par des bornes.
    • Pourtant l'influence des Physiocrates poussait à l'instauration d'un impôt foncier d'envergure nationale. Les circonstances de la Révolution permirent, au moins pour un temps, de pousser outre aux prétentions locales. Le remplacement, en 1790, des anciens impôts par une contribution foncière unique rendit urgente la constitution d'un cadastre. Finalement, ce fut sous l'impulsion initiale de Napoléon (loi du 15 septembre 1807) que le cadastre fut mis en chantier et terminé, sous la Seconde République en 1850.
    • Se posait alors la question de sa révision et en général de l'indispensable administration que le cadastre imposait. La question, essentiellement financière, opposait les communes à l'Etat. Le principe initial (tout à la charge des communes) s'étant révélé, le plus souvent inapplicable, on décida finalement, après avoir essayé diverses formules partageant la charge entres les diverses communautés territoriales, il fut finalement décidé, en 1955, de laisser l'Etat en supporter le poids financier.

§ 2 - Le recensement

  • Le recensement est, lui-aussi, de la plus haute antiquité dès lors qu'un peuple se sédentarise (un peuple nomade s'organise en général en groupes d'une centaine d'individus).
  • C'est pourquoi l'histoire occidentale du recensement commence avec la Bible. Le Livre des Nombres doit ce titre à la traduction grecque des Septante qui, au lieu de désigner le texte par ses premiers mot (Au désert, dans le texte hébreux) voulait montrer ce qui dominait dans chaque livre de la Bible. Le recensement des tribus d'Israël y tient en effet une place importante. N'oublions pas, en outre, que la naissance du Christ est intervenue dans le contexte du recensement des habitants de l'Empire romain.
  • A Rome et dans les territoires conquis par elle, le recensement était une chose importante. Dans les provinces de l'Empire, le recensement permettait, évidement, d'estimer la population conquise, mais aussi d'identifier ceux qui étaient des citoyens romains, opération essentielle pour les individus concernés puisqu'ils pouvaient toujours exiger d'être jugés à Rome, lieu où, non seulement, ils échappaient à l'éventuel arbitraire d'un gouverneur lointain, mais où ils pouvaient aussi "en appeler au peuple" contre le jugement d'un magistrat.
  • A Rome, le recensement permettait de classer les individus de telle façon qu'ils puissent plus ou moins participer à la vie publique (le mieux étant le privilège, très rare, d'appartenir à la classe sénatoriale). Ce travail était réalisé par le censeur, magistrat dont le nom évoque la censure. Ce n'est pas par hasard. En effet le censeur pouvait, face au nom du citoyen recensé, ajouter une note exprimant un blâme public en cas de mauvais comportant social, voire familial.
  • Au Moyen Age, la structure même de l'Etat féodal s'opposait à l'idée de recensement : la hiérarchie féodale impliquait l'idée que tous les vassaux directs du roi devaient eux-même connaître leurs vassaux, puis ceux-ci les leurs, etc., essentiellement pour des besoins militaires. Jusqu'à la Guerre de Cent ans on vit ainsi se maintenir la fiction, plus qu'optimiste, que le roi pouvait ainsi lever l'ensemble de la population pouvant porter les armes.
  • Il en alla autrement lorsque, au XVIe siècle, débuta le processus formateur de l'Etat moderne. Sous François Ier, l'ordonnance de Villers-Cotterêt (1539) imposa aux curés de tenir en registre des actes religieux marquant l'existence humaine (baptême, mariage, accompagnement funéraire). Cet "Etat religieux" devint un authentique Etat civil lorsque Louis XVI imposa aux curés de comptabiliser les naissances et décès des Protestants de sa paroisse. Nous avions là une sorte de recensement paroissial qui, pas plus que les dénombrements médiévaux au sein des seigneuries, ne donnait une idée exacte de la population de la France.
  • Ce sont les guerres de la Révolution et de l'Empire qui imposèrent le recensement comme une nécessité urgente. Le principe du soldat-citoyen exigeait le recensement global de la population et, en outre, celui des jeunes gens approchant de l'âge du service militaire. Conséquence de la loi Jourdan de 1798 imposant la conscription (conscrits : inscrits ensemble), les premiers recensements généraux de la population furent réalisés par le régime napoléonien et se poursuivirent ensuite jusqu'à nos jours. Imposés par des nécessités militaires, le recensement illustra aussi l'importance prise par l'économie dans la société industrielle. Le XIXe siècle comptabilisa donc autant les catégories sociales que le capital humain militairement utile. De nouveaux salariés apparaissaient alors : employés et ouvriers d'usine. Si les premiers faisaient tout pour se rattacher à la bourgeoisie, les seconds semblaient une espèce étrangère, dangereuse et malsaine, relevant à la fois de la surveillance policière (livret ouvrier) et de l'étude anthropologique (grandes enquêtes avec, entre autres, celle de Villermé).
  • Notons aussi le lien avec l'histoire de l'informatique. Exigeant des calculs nombreux, divers et rapides, les recensements pouvaient être considérablement facilités par l'automatisation de ceux-ci. A la fin du XIXe siècle, une petite entreprise fut chargée par l'administration américaine de faire un recensement de la population des Etats-Unis. Ayant utilisé des cartes perforées (technique informatique qui subsista jusqu'aux années 1960) elle réalisa le recensement en un temps record. Sa fortune était faite : depuis les années 1920, elles est connue sous le nom d'I.B.M.

 

 


 

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