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Jean-Pierre BAUD

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chose à chose, comme on le fut toujours et comme on le restera
toujours avec l'astre solaire (pour la lune, les choses ont changé
depuis 1969). Mais, dès lors que les experts ont établi, dans les
années 1840, qu'il était devenu impossible de définir quelles

étaient les limites du voisinagedans le domaine des nuisances
propres à l'ère industrielle, depuis ce moment-là une
normativité se constitua, que nous définissons aujourd'hui
comme le droit de l'environnement
8. Quant à définir ce que
doit être ce droit de l'environnement, toutes les options
classiques se rencontrent : appropriation par une entité
surnaturelle
9, propriété collective de l'humanité ou, plus
prosaïquement, mise sur le marché du droit de polluer
10. En ce
qui concerne l'air que nous respirons dans les circonstances
ordinaires de l'existence, nous sommes restés avec lui dans une
relation de chose à chose
11. Mais, au regard du dommage
écologique, la communauté humaine peut désormais mettre en
cause celui qui est à l'origine d'une pollution atmosphérique.


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8J.P. BAUD, "Le voisin, protecteur de l'environnement", Revue juridique
de l'environnement, 1/1978, p. 16-33 ; "Les hygiénistes face aux nuisances
industrielles dans la première moitié du 19
esiècle", Revue juridique de
l'environnement
9
, 3/1981, p. 205-220.
Je livre à la réflexion ce fait brut : à la fin du 19e siècle, le vocabulaire
scientifique (infection, salubrité...) laissa la place, dans le domaine de
l'environnement, à celui des interdits (pollution, pureté).
10
H. LEPAGE, Pourquoi la propriété, Paris, 1985, p. 337-341 (ouvrage
d'un grand intérêt documentaire pour l'histoire des délires du néolibéralisme).
11
En revanche, lorsqu'on doit acheter de l'air pour aller sous l'eau, en
altitude, voire dans l'espace, c'est d'abord en tant que personne juridique que
l'individu achète l'air avec lequel son corps entretiendra ensuite une relation
de type chose à chose. Les techniques modernes permettent aussi d'acheter de
l'air ou l'un des gaz qui le composent pour un usage scientifique ou industriel
(hydrogène, oxygène ou "air liquide"). Le rapport entre l'individu et l'air
restera alors de personne à chose. En effet, dans ce second cas, les autres
sujets de droit peuvent prétendre s'opposer à l'utilisation expérimentale ou
industrielle de l'air. Mais ils ne le peuvent pas dans la première hypothèse car,
s'ils peuvent prétendre s'opposer à l'expédition, ce serait en revanche
condamner à mort l'aventurier que de l'empêcher d'utiliser, lorsqu'une telle
extrémité est vitale, l'air contenu dans ses bouteilles.