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lorsqu'il devait détourner son auditoire médical vers le champ normatif, Louis Portes signala que les "considérations théologiques et juridiques" étaient indispensables pour "établir l'origine lointaine du principe qui constitue la base morale de l'obstétricie". Les sciences et techniques médico-biologiques confrontées à la théologie, à la morale et au droit : nous avions là l'ensemble des éléments qui, au carrefour du scientifique et du normatif, situaient déjà une bioéthique en attente d'être nommée.
Au chapitre de l'avortement, l'intérêt du texte ne tient pas au discours, désormais traditionnel, sur l'animation de l'embryon dès les premiers instants de la conception, mais à l'importance donnée à la notion de puretélà où tout annonçait un discours condamnant des pratiques homicides. Contre l'adhésion de Platon et d'Aristote aux programmes grecs de contrôle des naissances, Louis Portes allégua la mystique purificatrice des sectes orphiques qui, en marge des hautes spéculations de la philosophie antique (mais plus proches de la pensée sauvage), établirent un lien entre les pratiques les plus superstitieuses des pythagoriciens et la morale chrétienne. Faisant en outre état d'un texte brahmanique se présentant comme "une longue imprécation contre les avorteurs", il ajoutait :
"Fait capital, il est formellement exprimé dans cet
hymne que l'avortement tire sa gravité morale de son
impureté."
Ainsi, il était concevable d'imaginer une faute pire que l'homicide : l'impureté. Les ethnologues et les historiens des religions sont bien armés pour décrypter un tel langage. Ils peuvent parler longuement de cette souillure liée à la transgression des interdits et rejoindre les érudits lecteurs de la Bible et les historiens du droit canonique en définissant l'impureté majeure, celle qui entraîne la mort du coupable, cette faute d'Onân qui, en pratiquant le coït interrompu, laissa perdre sa semence et, avec elle, le fluide vital d'origine surnaturelle
16. Au début des années 1940, le discours bioéthique montrait encore clairementce qu'il devait aux sacralités sauvages. Il était grave de tuer, mais il fallait accepter certains cas où l'homicide pouvait être toléré. En revanche, la sacralité de la substance vitale demeurait absolue17. Ainsi s'explique

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16Genèse, 388-9.
17Particulièrement en ce qui concerne le fluide vital sang/sperme, l'univers du sacré perçoit une culpabilité (santionnée par l'obligation de rites purificateurs) justifiée par des

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