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siècle, l'affaire de femmes se trouva soumise à la loi des mâles7, une loi
qui, du fait de la technicité du problème, pouvait difficilement
s'inscrire dans la législation pénale.
Mais alors quelle loi? Celle du prêtre soucieux de garantir par le
baptême la vie future de l'enfant à naître ou celle de ce nouveau géant
de la santé qui concentrait désormais, du faitde l'abaissement des
sages-femmes et de l'unification de la médecine et de la chirurgie (en
France par les lois de 1794 et de 1803), le savoir du clinicien, l'habileté
chirurgicale et celle de l'obstétrique masculinisée? C'est alors que fut
réellementposée la question de l'embryotomie.
Le médecin du XIXe siècle n'était pas étranger à la gestion sociale de
l'homicide. Le chirurgien était de longue date un expert en matière de
supplices. Désormais, il étudiait la machinerie moderne de la mise à
mort judiciaire, pouvant, tel le fameux Guillotin, attacher son nom à un
mode d'exécution capitale. L'intérêt scientifique pouvait aussi l'attirer
sur les lieux de supplice, étudiant par exemple si la tête d'un décapité
restait consciente et pendant combien de temps. Par sa participation aux
conseils de révision, il contribuait à mettre en place les multitudes
destinées aux massacres mécanisés de la guerre moderne. Soucieux de
ce que le soldat ne perde pas la vie ailleurs que sur le champ de bataille,
il veillait particulièrement à l'hygiène des casernes8. Bref, la médecine
du XIXe siècle a contribué à la modernisation de la gestion sociale de
l'homicide.
Mais l'embryotomie était une question nouvelle, pour les raisons
évoquées plus haut, et aussi parce que, ne s'agissant ni d'un avortement
ni d'un infanticide, les législations pénales ne pouvaient pas dicter au
médecin sa conduite. Comme il s'agissait d'un choix entre deux
existences humaines, François-Charles Naegele qualifia en 1826 ce
nouveau pouvoir médical de droit de vie et de mort. Après avoir
évoqué certaines opinions qui faisaient état de la volonté du mari ou de
la famille, il en concluait que seule devait être prise en compte l'opinion
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7J. GÉLIS, L'arbre et le fruit. La naissance dans l'Occident moderne, XVIe-XIXe siècle,
Paris, Fayard, 1984, p.494-499.
8Sur cette orientation de l'hygiène militaire (et sur bien d'autres choses concernant
l'hygiénisme au XIXe siècle), voir l'extraordinaire travail de F. GUILBERT, Le pouvoir
sanitaire. Essai sur la normalisation hygiénique, thèse, droit, Strasbourg, 1992, p. 201-
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